Dans ce roman en grande partie autobiographique, la narratrice, Anne, brosse un portrait ému de son père, Jean-Pierre Pauly, cet homme aux deux visages qui vient de mourir. Ce père qu'elle a "longtemps craint pour sa folie et sa violence", ce père alcoolique qui maltraitait sa femme, elle le découvre sous un tout autre jour au moment de préparer ses obsèques et d'accomplir les démarches qui suivent un décès.
C'est avec l'humour hérité de ce père qu'elle décrit d'abord par le détail cette "messe la plus longue de toute l'histoire de la chrétienté", dite par un prêtre dont la voix et les inflexions sont celles de Michel Serrault dans le film "Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ".
Après la cérémonie vient le moment du rangement de la maison que le frère d'Anne souhaite le plus rapide possible, lui qui ne trouve pas d'excuse au comportement de son père. Contrairement à son entourage qui l'en enjoint, Anne ne souhaite pas tourner rapidement la page : "Et puis, pour m'en débarrasser, encore aurait-il fallu que ces choses m'encombrent, or il n'en était rien."
Afin de conserver le souvenir de ce père dont elle apprend à chaque fois un peu plus lorsqu'elle découvre les objets et les écrits apparemment dérisoires qu'il avait conservés dans une multitude de boîtes et de cartons, elle photographie chaque étagère et enregistre les bruits de la maison. Après avoir commencé le rangement de ce capharnaüm devant lequel elle a cru "mourir d'amour et de mélancolie", la narratrice remet tout en place et sort dans le jardin où son père condamnait tout usage d'un sécateur : "C'était sa manie, ça, de rien vouloir couper."
C'est grâce à une lettre qui lui parvient après les obsèques, écrite par une certaine Juliette s'adressant par-delà la mort au Jean-Pierre qu'elle avait connu adolescent, qu'Anne a la confirmation que son père avait toujours été "un juste, un sensible, un contemplatif, un silencieux".
Un roman qui émouvra tous ceux qui se refusent à "orchestrer les oublis et les abandons".