Un monstre de plus dans la collection de Marc Dugain. Après Staline et Hoover, place à Edmund Kemper, tueur en série, auteur d'au moins 8 assassinats, dont ceux de ses grands-parents paternels et de sa propre mère. Dans son roman, Avenue des Géants, Dugain le rebaptise Al Kenner, lui donne dix centimètres de plus (2,20 m) que dans la réalité, mais le parcours sanglant qu'il décrit est bien fidèle à celui de cet homme qui vit toujours, entre les quatre murs d'une cellule d'une prison californienne. L'auteur, en optant pour le "je" dans la plus grande partie de son livre, plonge littéralement à l'intérieur de la tête du meurtrier, dans l'Amérique des années 60. Une descente aux enfers vertigineuse, depuis l'enfance perturbée d'un garçon aux prises avec une mère épouvantable, qui hait son fils et l'humilie -"Je suis la première femme à avoir fait une fausse couche menée à son terme" dit-elle à son sujet-, et sujet aux pires obsessions comme si le démon était entré en lui. Pas question pour Dugain de trouver des circonstances atténuantes au criminel, mais d'enquêter au plus profond de sa psychologie et de chercher à comprendre comment un type au QI supérieur à celui d'Einstein ait pu commettre de tels actes. A travers ses faits, gestes et pensées, toute une époque défile sous nos yeux. L'Amérique d'après l'assassinat de Kennedy, celle du Vietnam et de ses contestataires hippies, celle des grands espaces que parcourt Kenner à moto, le plus souvent de nuit. Avenue des Géants est plus perturbant qu'un thriller dont il adopte les codes pour mieux les détourner. Le roman ne décortique pas les crimes successifs de son personnage, il les réunit dans les explications postérieures de Kenner, dans l'analyse effroyablement lucide qu'il en tire, des fantasmes à la jouissance du passage à l'acte. Certaines pages sont terrifiantes, non dans ce qui est montré, mais dans ce qui est suggéré. L'humour morbide, qui persiste jusqu'aux dernière lignes, rend le roman encore plus pervers et, il faut bien le dire, efficace. Une sorte de chef d'oeuvre du genre, aussi complexe et troublant que la personnalité de son héros. Ames sensibles, s'abstenir.

Cinephile-doux
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le 26 avr. 2017

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