Quand, en aficionado fidèle, on a lu toute l'oeuvre de John Irving depuis la traduction en français du Monde selon Garp (1980), est-il possible d'être étonné par le dernier roman du septuagénaire américain ? Le qualificatif le plus approprié serait celui d'admiratif, non que Avenue des mystères tutoie la perfection, mais à cause de l'énergie déployée, de la densité du livre, sans oublier la persistance des thèmes que l'écrivain s'ingénie à traiter dans un texte qui ne ressemble à rien d'autre qu'à du Irving tout en nous piégeant par des trésors d'imagination et un récit totalement débridé et décomplexé. Sexe, religion et mort : c'est cette trilogie familière qui tient le haut du pavé d'Irving. A en étouffer presque, si ce n'est que l'auteur réussit à habiller chaque scène qui pourrait paraître répétitive d'oripeaux nouveaux. Cela mérite des applaudissements. Même sentiment devant la maîtrise d'une narration qui se poursuit sur deux échelles temporelles : le présent, avec un voyage aux Philippines d'un écrivain d'âge mûr ; le passé, avec le même, alors adolescent dans une décharge publique au Mexique puis dans un orphelinat et dans un cirque. Impossible de synthétiser un roman aussi foisonnant où entre une fillette extralucide, un hippie américain, un couple composé d'un apostat et d'un travesti (sic), une mère et une fille obsédées sexuelles, deux statues de Vierges ennemies (l'une blanche, l'autre noire) et quelques lions et une multitude de chiens plus ou moins errants, la galerie de personnages marquants est impossible à énumérer. Bref, Avenue des mystères est un maelström incantatoire qui passe aisément du registre loufoque et délirant au dramatique sans oublier une touche de fantastique (moins convaincante). Le résultat est aussi détonant que le mélange de bêtabloquants et de viagra que le héros du livre, Juan Diego, pratique sans grand discernement. Sur 500 pages, Irving maintient le rythme sans faiblir. Le lecteur, lui, a parfois besoin de souffler sans que la possibilité ne lui en soit donnée. Mais à quoi bon faire la fine bouche, le caractère cinématographique de l'écriture, avec ses images "bigger than Life", le sens du suspense (si le sort de Lupe, la soeur de Juan Diego, est connue depuis le début du livre, il faut attendre les dernières pages pour connaître les circonstances) et le torrent de péripéties emportent tout sur son passage. Irving reste Irving et le temps va paraître long avant la parution de son prochain roman.

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le 17 déc. 2016

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