Bêtabloquants et viagra
Quand, en aficionado fidèle, on a lu toute l'oeuvre de John Irving depuis la traduction en français du Monde selon Garp (1980), est-il possible d'être étonné par le dernier roman du septuagénaire...
le 17 déc. 2016
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N’ayant jamais lu Irving, ce roman m’étant conseillé par plusieurs de mes clients, je me suis laissée tenter malgré mes doutes et la taille du bouquin (les gros livres ne me dérangent pas, mais j’aime autant qu’ils me plaisent !). Et j’ai effectivement mis beaucoup de temps à le lire, premièrement parce qu’il m’a fallu au moins 200 pages pour entrer dans l’histoire, mais aussi parce qu’à cause des grèves, j’avais moins de temps pour lire dans les transports.
L’histoire est très touffue, mais je vais essayer de vous expliquer.
Juan Diego est un écrivain célèbre. Il fait un voyage aux Philippines pour passer du temps avec l’un de ses anciens élèves. Boiteux (il a eu le pied écrasé lorsqu’il était jeune), il prend des bêtabloquants et du viagra, de façon un peu aléatoire selon ses horaires de vols et ses envies. Il rencontre en chemin deux mystérieuses femmes, Dorothy et Myriam.
Lorsqu’il n’est pas sous bêtabloquants, il rêve de son enfance. Il a grandi dans une décharge avec sa sœur Lupe qui était extralucide et parle une langue étrange qu’il est le seul à comprendre. Il a appris à lire seul (l’espagnol et l’anglais) grâce aux livres à moitié brûlés de la décharge, ce qui lui a permis de se fonder une opinion tranchée sur l’Église catholique. Un jour, un jeune jésuite, surnommé l’homme perroquet à cause de ses chemises hawaïenne, arrive dans leurs vies.
Le roman est extrêmement fouillé (parfois fouillis), avec d’incessants allers-retours entre le passé et le présent, jamais de façon très linéaire, d’ailleurs. Les personnages sont haut en couleur, souvent assez complexes, de même que les sujets abordés : l’écriture, la maladie, la mort, la sexualité, la religion, le langage, l’apprentissage, les chiens abandonnés, le fantastique.
Même s’il est difficile d’entrer dans ce roman, on finit par s’attacher aux personnages, la petite et mystérieuse Luppe (dont on sait dès le début qu’elle est morte jeune, sans savoir quand et pourquoi durant de nombreuses pages), Edward/Eduardo le jésuite qui va tomber amoureux de Flor (également haute en couleur), Père Pepe le jésuite qui a pris un peu sous son aile les deux enfants, Rivera leur père supposé et les deux Vierges, Notre Dame de Guadeloupe aimée des enfants, et la Vierge « monstre » (statue immense) crainte et redoutée; qui deviennent personnages à part entière. Dans ce roman, un certain nombre de questions restent sans réponse véritable, proposant au lecteur d’imaginer et d’accepter. C’est parfois un peu frustrant, d’ailleurs jusqu’à la fin du roman, voyant le nombre de pages qui s’amenuisaient, je me suis demandée où l’auteur nous emmenait. Certaines scènes sont vraiment loufoques à défaut de faire réellement rire et tout cela colore le roman de telle manière qu’il est difficile de définir l’ovni qu’on a entre les mains.
Ce roman s’adresse donc aux fans de l’univers d’Irving. Il faut avoir le courage de dépasser les premières centaines de pages pour entrer vraiment dedans (ce qui est dommage), mais on en ressort la tête bien pleine d’histoires, de légende, de couleurs, de bruits et d’idées. Un roman assez dépaysant, mais qui ne plaira pas forcément à tous !
Créée
le 24 juin 2016
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