Regarde moi (hit and run).
Ce livre est punk dans l'âme, comme ce mouvement, il est outrancier, révolté contre la connerie d'une société qui étouffe, soumet et écrase...
Il en a aussi les qualités et les défauts.
Il est parfois brouillon, foutraque mais il vous secoue comme un morceau des RAMONES. J'entendais presque le "one, two, three, four..." de Marky lorsque Manu étrangle sa colocataire.
Virginie Despentes décrit avant tout la condition d'une femme, Manu, dont la vie est aussi morne et sans avenir que l'était celle de la jeunesse britannique dans les 70's. Manu est un double littéraire et outré de Despentes. Elle y met beaucoup des morceaux sanglants de sa vie, cela on le sait après avoir lu "King Kong Théorie" (dont je vous recommande la lecture avant celle de ce livre). Y compris son expérience de la prostitution et son viol. Cette scène est un moment fort. Une description différente de ce qu'on en dit... de ce que l'on DOIT en dire.
Manu et son amie sont la personnification de deux réactions face au viol : celle qui pense qu' «Au début, on croit mourir à chaque blessure. On met un point d'honneur à souffrir tout son soûl. Et puis on s'habitue à endurer n'importe quoi et à survivre à tout prix.» et, l'autre, celle qui hurle, se révolte en vain, se fait détruire l'âme à coup de reins et... meure (cf "King Kong Théorie pour comprendre en quoi ce passage est une métaphore de ce qu'elle a vécu, ressenti et fait).
Manu et Nadine, une fille qu'elle prend dans sa course vers la mort, vont faire tout ce que des filles "comme il faut" ne font pas : jouir, baffrer, baiser et jeter des "hommes-jouets", tuer, boire, se défoncer, se masturber, faire du Pollock avec le sang menstruel, aimer le porno.
Certes la rencontre entre la grande fille mystérieuse et la petite grosse expansive est un peu artificielle. Leur périple est couvert de sang et de sperme, d'actes gratuits, sans signification. Il bouscule les convenances, la logique, les règles d'une société qui leur a toujours dit : "tu es une femme/petite fille/épouse alors reste à ta place".
Mais l'essentiel n'est pas là. Il est dans la description de la condition de femmes pauvres, poilues, pas élégantes, parlant et jouissant fort qui disent "Assez".
Elles le font de manière brutale, grotesque, violente comme l'est la pression que la société met sur les femmes.
Ce livre est au fond un manifeste féministe sous les couleurs des mauvais genres (polar, porno, punk ).
Et tout finira mal... évidemment.
Un livre qui n'est définitivement pas pour les fillettes (et les féministes de salon)...