Je préfère les aventures de Edmond Dantès à la bluette de Luo...
Voilà un petit bouquin qui nous change un peu. Déjà son contexte est inhabituel et peu usité : la Chine de la Révolution Culturelle, cette période bizarre où un pays entier fit la guerre à la culture et à ses intellectuels en les "recyclant" dans les campagnes et les usines. Les deux héros de ce livre sont les enfants de tels intellos et partagent le sort de leurs parents. Mais le mal était déjà fait: l'un savait déjà jouer au violon et les deux savent lire et apprécier les livres.
On suit donc les aventures de ces deux ados , amoureux d'une petite tailleuse des montagnes et possesseurs d'un ouvrage interdit de Honoré de Balzac. Cette histoire est en soi assez intéressante pour nous persuader de lire l'ouvrage jusqu'à sa conclusion abrupte. On découvre sidéré le moyen-age chinois qui existait encore dans nos années 70, on frémit des conditions de vie inhumaines que la Chine peut réserver à des jeunes, et on reste abasourdi par cette dictature froide et absurde qui les opprime et qui brûle leurs livres. (Mais le livre est encore loin d'évoquer l'épouvantable famine des années 60) .
Bon , le contexte mis à part , je ne suis guère convaincu par l'histoire elle-même, qui hésite entre fable adolescente et critique sociale, entre portrait assez cruel d'une société corrompue et portrait fantasmé d'un amour digne d'un manga. En fait on a un peu le sentiment que le livre a été écrit par différentes personnes pour différents chapitres, et c'est cet aspect inégal qui m'a un peu agacé dans ma lecture.
L'histoire d'amour fournit un fil rouge à la succession des aventures mais sans vraiment nous engager plus avant, et elle frise l'anecdotique au milieu de descriptions sidérantes de la vie chinoise. La force du livre aurait dû venir de la confrontation entre la lecture des romans occidentaux et cette réalité chinoise, mais ce n'est guère le cas, même si l'auteur nous fait bien partager la fascination de la lecture sur les personnages.
On sent affleurer un peu ce qui aurait sublimé cette fable simpliste, à savoir l'universalité de l'adolescence et de l'amour quel que soit le pays, et son flamboiement au sein de la littérature, mais les romans choisis se prêtent peu à ce genre d'exercice et on regarde avec incrédulité des jeunes hommes passionnés par... le père Goriot....(Mais le comte de Monte-Cristo fait mouche ) . La littérature est à la fois magnifiée (interdite et envoutante donc) et pourtant sous-utilisée par l'auteur, je trouve. mais bon, un bel effort quand même.
Voilà, un petit livre pays loin d'être inintéressant, qui claudique un peu entre son vaste sujet et sa petite histoire, mais fournit un moment de lecture exotique, souvent amusant, parfois horrifiant et qui n'est pas désagréable. Ce n'est toutefois pas vraiment un must-read, à mon humble avis...