Hygena de l'assassin : la mauvaise cuisine de Nothomb
La jeune Saturnine Puissant, 25 ans, répond à une incroyable annonce de colocation : une chambre de 40m² dans les beaux quartiers parisiens pour un loyer modique. Seul léger inconvénient : les huit précédentes colocatrices ont simplement disparu, et le propriétaire est fortement soupçonné d'en être le responsable. Ce propriétaire est un grand d'Espagne exilé depuis 20 ans dans cet appartement parisien dont il ne sort pas et répond au nom d'Elemirio Nibal y Milcar.
Ce court roman d'Amélie Nothomb (pléonasme) se réduit quasiment à une succession de dialogues entre Saturnine et Elemirio, dont l'Espagnol est la vedette. L'auteur a soigné le personnage haut en couleurs : il vit comme au XVIème siècle, refuse tout lien social, adore l'or, cuisine à merveille et lit avec attendrissement les compte-rendus des procès de l'Inquisition. Et par-dessus tout, il est doté d'une incroyable estime de soi, se prenant parfois pour l'équivalent de Dieu lui-même.
ça aurait pu être sympa, mais il y a quand même un problème majeur : le roman n'a strictement aucun enjeu. De temps en temps, Nothomb tente de nous raccrocher en nous rappelant cette vague histoire d'octuple meurtre, mais en vain. L'absence de narration laisse le champ à des dialogues parfois absurdes, qui font parfois sourire, mais qui ne constituent en rien une intrigue. Nous sommes donc dans un roman où il ne se passe rien.
Alors, forcément, le portrait d'Elemirio, c'est bien sympa pendant les vingt premières pages, mais ça devient vite répétitif. D'autant plus que, face à lui, Saturnine manque terriblement de profondeur. Nothomb nous répète inlassablement qu'elle est belle et intelligente (et belge), mais ça ne suffit pas à nous convaincre. Si elle est si intelligente, pourquoi ne le montre-t-elle pas dans ses propos ? Finalement, son rôle, dans le roman, consiste à donner la répliquer à l'Espagnol, à faire semblant de le pousser dans ses retranchements, en vain. On sent que Nothomb a tenté de nous refaire le coup d'Hygiène de l'Assassin, avec le face à face entre deux grands esprits dominateurs, mais ça foire radicalement.
Alors, il reste deux ou trois passages sympathiques (comme l'aventure explosive des parents d'Elemirio) mais ça reste très limité. La lecture n'est pas désagréable, c'est juste vide.