Si nous étions en droit de penser que le Barbe Bleue de Perrault était un monstre, Amélie Nothomb lui rend toute sa dignité voire sa noblesse en défendant à tout prix le droit au secret, rare à nôtre époque . Réinterprétation mystique du conte , ceux qui sont curieux de l'Alchimie y trouveront leur compte.
Saturnine, jeune fille prof d'histoire de l'art à l'école du Louvre , nous pourrions dire représenterai alors le plomb, matière de base de la transformation, et ici c'est par la transformation en or que tout opère. Mutation qui existe grace au dialogue avec son fameux interlocuteur, le dandy de l'histoire, le Barbe Bleue espagnol. Et quels dialogues ! Amélie fait combattre ses personnages avec écriture sèche et incisive, dès l'incipit nous sommes happés , ça commence brutalement, il est alors impossible de s'arreter avant la fin. L'ironie et l'humour noir rappellerons son premier roman Hygiène de l'assassin, plus synthétique dans le cas de Barbe bleue.
Les réflexions philosophiques sur l'art ou la religion ne manquent pas d'ouvrir les portes de cette oeuvre toute pavée d'un chemin initiatique, ôde à la lumière. Les mécanismes de la relation amoureuse passionelle qui se tisse entre la jeune femme et son pygmalion , bien que très poétisés, renvoient une image troublante et réaliste des affres du coeur, Amélie Nothomb a ce talent et cette expérience qui lui permettent de décortiquer la nature humaine.
Un de ses romans que je préfère, on en ressort presque ivre , mais serai-ce à cause du champagne dont il en est encore l'apologie au fil des pages? Après tout , c'est la seule boisson d'or liquide.