Alors si je devais faire la transposition exacte du conte Barbe bleue à notre époque. Comment est-ce que je m"y prendrais?
Y a un os.
Épouser 8 femmes, et devoir les tuer à chaque fois. Non, on a le divorce maintenant. ça colle plus.
Et la jeune femme du conte arrive chez un mari qu'elle ne connait pas, qu'elle n'a jamais vu, ça colle plus du tout avec les mœurs actuelles, ça
Trouvons autre chose.
Allez, on va dire que c'est un psychopathes qui attire ses femmes contre une chambre en colocation. ça fait faits divers, c'est plus réaliste. Et ça met un soupçon de suspens.
Allez, tope-là, c'est tout ce que je change, le reste je l'adapte, je me débrouillerais. Je rajoute des détails à valeur humoristique supposée, comme des clichés sur les nationalités, ça fait toujours sourire mon public. J'en fais un Barbe Bleue d'opérette, qui lirait les minutes de l'Inquisition pour se détendre, comme tout bon psychopathe, pour être bien dans le cliché qui fait rire. Histoire qu'on comprenne que c'est un psychopathe tu vois, parce qu'on ne l'avait pas deviné en lisant le titre.
Je glisse des petites anecdotes sur l'histoire, question d'image, travailler mon côté fofolle érudite dans les yeux du public, tant pis si je dis des âneries sur le plan historique, c'est pas grave, de tout façon on s'en fout de l'histoire. Le secret c'est de se donner l'air intello, d'en avoir l'air, pas de l'être. On va dire que l'inquisition pratiquait l'ordalie, les gens savent même pas ce que c'est de toute façon, pourquoi s'emmerder.
Voilà, vous l'avez compris, je trouve ça trop facile, sans surprise, du copié-collé pratiquement; J'ai lu de meilleures fan fictions.
Pour le côté positif: c'est vrai que ça se lit très facilement, même pour les gens qui n'aiment pas lire, ça passe tout seul. Le style est simple, et pas désagréable, même s'il faut toujours qu'elle emploie des mots ou des tournures ronflants, histoire de se donner un petit genre. Quand je la lis, j'ai quelques fois l'impression de l'entendre prononcer certains mots peu commun avec emphase, avec sa petite voix un peu bourgeoise dombalesque, ou un petit côté Catherine Frot en plus pincée et intello. ça fait partie du personnage. Celui qu'elle s'est créé. Y a D'Ormesson qui aime bien faire ça aussi.
Le problème, c'est que c'est pas du tout crédible. Elle doit être bien particulière, la Belle, pour rester quand elle voit que le mec ne cherche que des jeunes femmes, on a affaire à une maso, et la Bête est tellement caricaturale. Peut-être à force de faire du second degré avec ses personnages? On n'y croit pas, on s'ennuie:
L'histoire d'amour n'a rien de romantique, elle est gnangnan, désolée de le dire aussi crûment pour ceux qui ont cru. Quand on veut faire dire à un mec qui vient te rencontrer "je vous aime", et que ça fasse pas ridicule, il faut autre chose qu'un récit minimaliste un peu simpliste.
Le mec m'énerve avec son Espagne fantasmée et ses répliques sensées être drôles tellement elles sont originales, son côté aristocrate pervers mais raffiné, ça sonne faux, ça ne me fait pas rêver.
L'histoire est vraiment trop simple, on dirait une histoire pour enfant. ça pourrait passer si les dialogues ou les personnages avaient un peu de relief, moins clichés.
THE END
********Trucs pas intéressants pour ceux qui n'ont que ça foutre de les lire.*********
Au fait Amélie, on dit colocataire, pas colocatrice.
c'est un mot épicène (je fais mon Amélie Nothomb), donc valable pour un homme et pour une femme. C'est rare de dire, tiens, je vais recevoir la locatrice de mon appart! ça fait pas sérieux Amélie voyons!
Les mots en "aire" sont naturellement épicènes. Disquaire, libraire, etc, et pas disquetrice, libretice. Je sens que ça va faire comme "auteure" ce truc là, mais c'est encore "colocataire" le bon usage.
Pour ceux qui aiment bien l'histoire, les ordalies étaient surtout pratiquées dans l'Antiquité (Très populaires chez les Egyptiens, les Romains, et à peu près tous les peuples de l'Antiquité) et au début du Moyen-âge chez les chrétiens, en héritage des coutumes franques. Dès le 9ème siècle, elles sont frappées d'interdictions par l'Eglise à plusieurs reprises, ayant été considérées comme incompatibles avec la Bible, et condamnée par elle ("Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu"), mais toujours pratiquées "sous le manteau". On ne supprime pas facilement des siècles de "tradition", c'est un peu comme la corrida. En 1255, le roi se fâche et rajoute des décrets d'interdiction plus "autoritaires".
Ce qui veut pas dire que l'Inquisition était une période fantastique. Mais c'est bien aussi de ne pas inventer des détails par ce que "ça fait bien", les faits suffisent. J'ai l'impression qu'elle voulait absolument recaser le mot "ordalie". Y a un quota pour ce genre de mots?
Je pense qu'elle est fâchée avec l'histoire, parce que le reste est pareil. Ou peut-être que les clichés sont fait exprès. (Et soit disant élevée dans un famille catho, mais elle n'a pas trop de culture religieuse non plus)
EDIT: je viens d'écouter une interview d'Amélie Nothomb, à propos de la genèse de son histoire, bien j'ai mis dans le mille avec l'intro de ma critique, c'est tout à fait ça. J'ai vraiment voyagé dans sa tête!