Que vous connaissiez ou non le film éponyme de Stanley Kubrick, vous ne serez pas déçu en lisant ce chef d’œuvre absolu! Ici point de héros romantique ou autres fadaises sentimentales. Le narrateur est un homme, un vrai, de ceux qui règlent les questions d’honneur à la pointe de l’épée avant de se rincer le gosier avec du vin de Bourgogne. Ah, les gentilshommes du bon vieux temps !
Après avoir été joué en amour, puis dupé par sa propre famille dont les ruses le contraignent à l’exil, le jeune Redmond Barry vit de nombreuses péripéties qui forgent son caractère et lui permettent d’acquérir gloire et fortune. Tour à tour soldat, joueur professionnel et coureur de dot, Barry traverse l’Europe sans jamais renoncer à son idéal : vivre en parfait gentilhomme. A l’en croire, le plus noble sang de l’Irlande coule dans ses veines. Il décide donc de redorer le blason de la famille et de reconquérir la place qui lui est due. Audacieux, vaillant et sans scrupules, le jeune homme connaît une brillante ascension en épousant une riche héritière - car ce que Barry veut, Barry l’obtient. Mais sa vie dissolue a bientôt raison de sa fortune. Est-ce un châtiment divin ou la conséquence logique de son imprévoyance ? Commence alors la déchéance de Barry Lyndon qui perdra sa réputation et encore davantage.
Ce roman picaresque est riche en duels, batailles et aventures en tout genre. Il révèle la fascination de Thackeray pour la société et la littérature du XVIIIème siècle. Mais la grande force de l’œuvre, c’est bien son héros atypique. En racontant lui-même son parcours, Barry oblige le lecteur à prendre son parti, à rire de ses traits d’esprit, à applaudir sa bravoure. Seulement voilà : au fil des pages, apparaît en creux un portrait de plus en plus noir, car le jeune homme en arrivera aux pires méfaits. Pourtant, même à l’apogée de sa scélératesse, Barry Lyndon ne cesse de fasciner. Certes, il est vantard et franchement immoral, mais son désir de parvenir, son courage et son arrogance même forcent l’admiration. C’est bien cette ambiguïté qui donne au roman tout son piquant. Par ailleurs, grâce à son franc-parler, Barry dénonce plusieurs institutions de son époque, comme l’armée, l’aristocratie ou encore le mariage.
Comparé à d’autres œuvres de Thackeray, « Barry Lyndon » (1844) est un roman sombre, bien que non dénué d’humour. C’est l’histoire d’un aventurier hors-normes au destin tragique, un héros à la fois scandaleux et émouvant, peut-être l’un des personnages les plus puissants de la littérature anglaise.