"Etes-vous prêt à tuer votre meilleur ami ?"

Cette question peut paraitre incongrue, voire cruelle pour certains. Comment penser, aujourd'hui dans notre société, à tuer une personne proche et amie de sang froid ? C'est pourtant la réflexion que demande le premier livre de Koushun Takami : Battle Royale. Dans un monde très proche du nôtre, des adolescents sont invités à s'entretuer. Une littérature japonaise proche de l'univers des mangas, mais avec un but beaucoup plus sérieux.

Koushun Takami n'a pour l'instant écrit qu'un seul roman. Des rumeurs courent sur l'écriture d'un deuxième ... Diplômé en littérature de l'université d'Osaka, Takami a par la suite été journaliste dans les domaines économiques. C'est en 1999 que Battle Royale parait au Japon. C'est un succès immédiat mais également une cible pour les nombreuses critiques. Par la suite, le roman sera adapté en film par le réalisateur japonais Kitano (avec une suite) et en manga.

Ce livre est une relecture moderne de Sa majesté des Mouches de William Golding. Dans un Japon (presque actuel) coupé du monde, des classes sont choisies annuellement pour participer au Programme 68. Cette loi a été appliquée en 1947 et doit limiter la décadence juvénile. Nous suivons donc l'histoire d'une classe de Shiroiwa qui cherche à survivre dans ce monde cruel ...

Il vrai que Battle Royale se base essentiellement, à la première lecture, sur les massacres commis par les adolescents, l'hémoglobine qui coule chaque heure, les tortures infligées par des sadiques révélés, etc. Mais le but recherché par Koushun Takami est de montrer, ce qu'un Etat ou pouvoir dirigeant peut amener à faire pour la sécurité de tous. Le Japon décrit peut ressembler à une dictature comme celle mis en place en Corée du Nord, où tout est régit par l'Etat. Des choses aussi simples que la musique sont interdites. C'est donc une question politique, éthique qui est posée et nous fait réagir.

L'écriture est froide et calculatrice, décrivant les meurtres commis : « Avant qu'elle ait pu compléter sa phrase, un fracas assourdissant avait retenti. La tête de Yumiko fut prise d'un soubresaut. Un trou rouge qui n'y était pas à l'instant d'avant venait d'apparaitre à sa tempe droite. » (p. 178). Dès l'instant de leur mort, les personnages ne sont plus alors que des pantins voire même des tableaux que l'auteur décrit comme un critique d'Art. Car Koushun Takami s'est très bien rendre ces personnages humains, semblables à tous. Chacun peut alors s'identifier à un élève, un professeur ... Ce qui rend leur mort encore plus atroce et plus terrible. Un désir de vengeance nous vient presque en pensée.

Le héros principal (si l'on peut dire) peut-être assimilé au lecteur lui-même. Shuya doute de tout ce qui se passe. Il ne peut pas comprendre que les personnes avec qui il discutait ce matin sont devenus des êtres monstrueux armes au poing. Comme le lecteur, il ne peut pas comprendre comment SA société a pu engendre une telle loi. Il découvre l'âme humaine et ces dérives. C'est un éternel idéaliste.

Ce roman pourrait paraitre noir dans sa vision où tous les élèves sont des psychopathes prenant vie dans le jeu ou des adolescents redevenant des petits enfants. Comment ne pas frémir en voyant les actes commis de sang froid par Kiriyama ou par plaisir par Mitsuko ? Comment ne pas pleurer en lisant les pensées déstructurées par la peur de Yumiko ? Cependant Koushun Takami nous montre l'espoir, celui de réussir cet horrible jeu non pas seul mais en équipe. Bien que le décompte des morts se fasse à chaque fin de chapitre, la fin est une victoire pour l'espérance. Car, devant une telle injustice, ne devons-nous pas nous battre pour une liberté essentielle ? Celle de mourir libre ...
CatherineT
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le 22 mars 2012

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