Il y a plusieurs façons de lire ce livre, et c'est comme souvent, ce qui en fait le génie. On peut d'abord apprécier l'aventure, les rebondissements, le roman pur. Mais s'il n'y avait que cela, cette saga ne serait pas considérée comme l'un des chefs d'oeuvre de l'auteur, que beaucoup admettent. Il y a une recherche poétique et historique : revenir aux origines des mythes nordiques et redonner vie aux chansons, poèmes traditionnels, dans un cadre fictif (y compris la reconstitution de langages entiers !). Il y a aussi une recherche de profondeur et de sincérité psychologique dans la fiction que je ne retrouve guère que dans les maîtres de la SF, je pense en particulier à Frank Herbert. Ici la baston compte moins que le voyage dans un monde onirique et néanmoins tragique. Qu'on ne se trompe pas, le propos est dur, la quête dramatique et douloureuse, à l'image de ce qui passe à la veille de la 1e guerre mondiale, date à laquelle J.C. Tolkien écrit son premier ouvrage. Ce qui résonne derrière cette fiction, c'est la violence de la guerre, et le combat intérieur pour le bien ou le mal. Le problème est placé ici au plan individuel : en bon libéral anglais, Tolkien pense l'Homme libre, c'est donc à lui seul que revient la responsabilité du choix. Une vision datée mais qui a ses vertus aujourd'hui où la société est parfois utilisée comme argument pour se dédouaner de ses fautes.