Pièce déjà consacrée à sa sortie, triomphant sur la Tite et Bérénice de Corneille, elle l’est aussi dans ma bibliothèque depuis la première fois que je l’ai lue, en seconde, sur la recommandation très insistante de la prof, qui nous avait même fait apprendre une ou deux répliques. Au début, j’ai trouvé que c’était une tragédie comme une autre, certes très belle et merveilleusement écrite, bref, du Racine quoi. Mais je ne la plaçais pas spécialement au-dessus d’une autre.
Et puis il y a ce moment où je suis arrivée à la confrontation entre Bérénice et Titus. Le moment où ce « Hé bien, régnez, cruel ! » a résonné dans ma tête. Bon sang, c’est un adieu, mais quel adieu ! Cette tirade de Bérénice m’avait époustouflée. J’ai relu la pièce depuis, et plusieurs fois d’ailleurs, et à chaque fois que je m’en approche, j’ai l’impression que toute la tension de la pièce nous amène à cette réplique précise, celle où tout s’emballe, où l’on comprend qu’il est trop tard pour ces deux amants. L’heure est à une absence éternelle. Les larmes qui vont avec, aussi.
Bérénice, reine de Palestine et Titus, nouvel empereur romain. Ou comment la haine romaine pour la royauté et l'ascension d'un homme vers le pouvoir brisent un amour. Amour qui devient impossible.
Parce qu’au fond, Bérénice, c’est ça, tout le problème est dans l’idée de dire adieu. Il n’y pas de sang, pas de mort déchirante, pas de corps blessé. Toute la douleur est dans le cœur, dans la résignation, et puis dans l’injustice aussi de ces lois romaines. Aimer ou régner, il ne s’agit là que d’un choix. Titus a fait le sien, Bérénice n’a pas ce luxe, elle ne fait que subir ce choix qu’a fait Titus. Faiblesse d’un homme face au peuple ou décision sage et réaliste ? Difficile de trancher sur ce point.
C’est pour toutes ces raisons que je place cette pièce au-dessus de toutes les autres, un véritable coup de maître de la part de Racine. Comment bouleverser en gardant ses héros en vie. Comment faire une tragédie qui déroge à la règle car sans cadavre, et qui pourtant n’a aucune égale dans la souffrance qu’elle dépeint ?
La peine, finalement, se résume à cinq lettres. Adieu.