Avec Andromaque, Racine nous contait la non-réciprocité de trois amours enclavés dans les cœurs de trois personnages respectifs, mais dans Bérénice, il nous confronte à une originalité (même deux, avec la fin) qui tranchent avec sa dévition au classicisme : ici deux personnages,
Titus et Bérénice se vouent un amour réciproque, et c’est dans la dévotion du tout nouvel empereur envers son peuple et les traditions romaines que va se loger la tragédie.
Après la mort de Vespasien, Titus lui succède et s’apprête donc à épouser la reine de Palestine, Bérénice, qu’il aime et qui l’aime en retour. Mais comme on est dans une tragédie, il faut des écueils à cet amour, et tout commence avec Antiochus, ami proche de Titus et roi de Commagène vient foutre le bordel parce qu’il a toujours été follement éperdu de Bérénice.
Lorsqu’il le dit à la concernée, celle-ci l’envoie durement balader (sans lui dire en plus que c’est un mec génial et qu’elle a peur de gâcher leur amitié en l’autorisant à lui rouler des pelles) et Antiochus se retrouve perdant sur tous les tableaux.
J’ai aimé cette tournure, c’est quelque chose que l’on voit rarement, et on comprend Bérénice qui n’a aucune raison de se donner à un homme qu’elle n’aime pas alors qu’elle aime déjà Titus qui la ferait, de surcroit, devenir impératrice de Rome. Antiochus choisit de partir, et on comprend aussi qu’il ait choisi de se soulager d’un poids avec cette confidence. Il est répudié mais reste digne avec ce choix.
Mais quand Titus apprend avec effroi que l’opinion Romaine est très défavorable à l’union de l’empereur avec une étrangère, il renonce à son union pour pouvoir régner tranquillement.
Bérénice, informée par Antiochus de cette décision parce que Titus avait la flemme, ne supporte pas ce revirement et menace de se suicider, l’hystérie féminine mise en vers par Racine.
Finalement, elle y renonce et chacun part de son côté, sans qu’une seule goutte de sang ne soit versée.
Une tragédie aux thèmes rudimentaires mais plus humaine dans l’approche, parce que les choix et réactions des trois protagonistes sont égoïstes et parcimonieux, ce qui rajoute de l’humanité et presque du naturalisme là où les tragédies sont souvent nobles et barbouillées de mythologie.
Encore une fois, les vers de Racine sont très beaux, purs, ils se lisent sans ennui, et on se retrouve choqué par tant de limpidité dans la mise en vers des souffrances et des émotions, aussi égoïstes soient-elles.