A la fois une danse, un chant et un éclat de lune

Au cours de plus de 400 pages, Tiffany McDaniel nous raconte l'enfance de Betty, sa mère, dans les Etat-Unis des années 60-80. Enfance particulière à deux titres : Betty est Cherokee de par son père, et elle est surtout et avant tout une femme. De la rencontre de ses parents à son passage à l'âge adulte, on assiste au développement d'un être en proie au racisme ordinaire des ruraux américains et à la domination des hommes. Entre son désir d'être "normale" et les relations complexes qui agitent sa famille, la petite fille aura bien du mal à trouver sa place et à définir son identité.

Betty est un regard jeté vers une époque où le soleil brillait certes plus fort mais où les ombres n'en étaient que plus sombres. Des différents personnages qui parcourent le récit, le plus important est le père de Betty, un homme solaire, attaché aux traditions de son peuple, à leurs valeurs et à leur sens, qui tente de protéger ses enfants des dures réalités du monde par le pouvoir du récit. Le sort des femmes, la disparition du rapport fusionnel à la nature, l'aveuglement des hommes et le poids des liens familiaux sont dépeints avec une grande justesse et une écriture sublime qui touche en plein coeur. Tiffany McDaniel navigue avec talent du sublime au terrible avec un sens de l'équilibre constant et surprenant pour un deuxième roman, dont la lecture est parfois trop intense pour être poursuivie plus d'un chapitre.

François Busnel, qui parle de Betty bien mieux que je ne saurais le faire, considère le roman comme un futur classique de la littérature américaine. Je ne lui donne tort que sur un point : pour moi, Betty est déjà un classique, et une oeuvre qui continuera de résonner longtemps en moi comme au-dehors. Reste une difficulté : je passe mon temps à le conseiller à des femmes (certes plus nombreuses à lire) alors que ce sont les hommes à qui la lecture bénéficierait le plus...