Ayant pris un plaisir extrême à la lecture de "Dans les forêts de Sibérie" et de "Sur les chemins noirs", j'avais été déçu par "La panthère des neiges". Avec "Blanc", Sylvain Tesson m'a à nouveau séduit par la qualité de sa réflexion et son talent d'écrivain bien que le récit de sa traversée des Alpes avec skis et piolets n'eût a priori rien pour vraiment m'intéresser.
Qualifier la narration de ces quatre-vingt-cinq jours répartis sur quatre hivers de 2019 à 2022 de captivante serait excessif mais elle nous permet de juger de la difficulté de l'objectif que s'étaient fixé Tesson et son ami guide de haute montagne, Daniel du Lac, bientôt rejoints par un ingénieur parisien que le hasard avait mis sur leur chemin.
Le récit vaut surtout par les commentaires et les observations de l'auteur, même si le charme agit moins que lorsqu'on le lit pour la première fois, à plus forte raison quand on en vient à repérer ce qui s'apparente à des tics d'écriture.
Faut-il que Tesson ait du talent pour nous faire aimer ses livres alors qu'on est loin de partager des idées dont on comprend qu'elles fassent désormais polémique ! Ainsi peut-on lire que "pour les gouvernements, la lutte contre le virus 19 avait été l'occasion de s'entraîner au contrôle des masses". Bien au-dessus de ces masses, notre homme "ne voulait pas qu'un flic teutonique l'empêchât de passer les cols bleus au nom de la lutte contre la toux". Le complotisme n'est pas loin lorsqu'on peut lire aussi "Masques, tests, assignations à résidence, attestations : toute la kermesse de la sécrétion salivaire recommençait." Il m'avait déjà semblé constater que Sylvain Tesson n'écrivait pas pour le vulgum pecus mais avec ce dernier ouvrage, il se surpasse en enchaînant à un rythme soutenu les citations et les références littéraires et artistiques, n'hésitant pas considérer qu'il est inutile de faire allusion à Charles Péguy quand il s'inspire de son poème sur les châteaux de Loire : "Le long du coteau blanc et des nobles versants / Les chalets se semaient comme des ostensoirs ..."
Avec un Tesson de plus en plus imbu de lui-même, le débat sur la question "Faut-il séparer l'homme de son oeuvre ," n'est pas près de se refermer ...