À travers cette œuvre, Joy Sorman nous raconte l'expérience d'une femme qui tente d'entrer dans la vie et de se construire en fonction de son genre. C'est l'histoire d'une fille qui ne voulait pas être une fille. Mais elle ne voulait pas pour autant être un garçon. Elle vise alors une chose très simple : arrêter la différenciation sexuelle. Car c'est de cela dont il est question, dans le fond. Vision du couple, du féminisme, du sexe, des femmes, des hommes, de la vie. Par de multiples exemples, elle parvient l'exploit de faire passer beaucoup de grandes idées à travers un texte simple et sans fioritures, avec un style lapidaire, un peu à la Marguerite Duras. (Des phrases courtes, rarement plus de dix mots) Mais, pourtant, contrairement à Duras, le rythme de l'histoire est menée à grande vitesse, ce qui fait que cette manière très particulière d'écrire peut décontenancer. C'était mon cas au début de la lecture. Puis, de ligne en ligne et de phrases en phrases, cela n'a plus d'importance car nous sommes pris dans le vent de violence psychique qui est mis au jour, dans la tempête d'interrogations et de détermination dont le personnage principal fait preuve.
Ne voulant pas être une fille et ainsi participer à leurs discussions, qu'elle juge stériles, elle décide de parler avec les garçons. Pour en devenir un ? Peut-être. Mais surtout pour ne plus en avoir peur et pour les comprendre. Ce qui, au final, ne réussit pas si bien, puisque malgré les qualités qu'elle leur trouve, elle ne peut réussir à les comprendre vraiment. Ni fille, ni garçon, où aller ? L'idée la plus grandiose, la plus belle du livre arrive alors à ce point : Pourquoi vouloir être fille ou garçon ? Dominant ou dominé ? Pourquoi ne pas simplement prôner une absence de sexe, de genre. C'est le constat final de son livre, que je partage entièrement. Elle ne se sent ni fille, ni garçon et cela arrive après les expériences orales dont elle fut la spectatrice. Spectatrice et non actrice, car n'étant, ne se sentant, ni fille, ni garçon, il lui est impossible de véritablement être à l'aise dans les conversations de l'un et de l'autre. (Tout cela en ne perdant pas de vue qu'elle prend en exemple des garçons et des filles "typiques") L'autre idée géniale qu'elle met en avant est celle de prendre la parole aux hommes, qui, selon elle, maintiennent leur autorité de cette manière. Elle aimerait que toutes les femmes prennent la parole, se défendent et se révoltent contre un état de fait patriarcal. Mais elle voit bien dans les discussions entre copines que ce n'est pas possible. Si l'idée est lancée, personne ne la comprend, pour les autres cette idée est plus ou moins normale et si ce n'est pas le cas, que peut-on y faire ?
Ainsi, Joy Sorman ne veux plus de lutte des sexes, ni de lutte des classes, elle veut simplement arrêter de mettre en avant les différenciations, de manière simple et ainsi éviter les catégorisations et l'endoctrinement social et genré des enfants. Et c'est pour cela que ce livre est une merveille.