D'emblée, c'est la qualité du style de son auteur qui impressionne dans Braconnages. A cet égard, avec son usage délicat du passé simple ou du subjonctif imparfait, il faut saluer le travail du traducteur, Olivier Le Lay. L'écriture, c'est une chose appréciable, mais elle l'est d'autant plus quand le fond rejoint la forme, ce qui est absolument le cas dans le roman de Reinhard Kaiser-Mühlecker. La description de la nature et du labeur d'un jeune paysan en Haute-Autriche est impeccable et fascinante mais elle n'est encore rien à côté de la personnalité du héros du roman, Jakob. L'auteur nous immerge totalement dans la tête de son personnage principal, un jeune homme solitaire, taciturne et asocial, bref un tempérament saturnien, dont les états d'âme semblent receler une violence sourde qui pourrait surgir à tout moment y compris à son encontre. Les situations ne sont vues qu'à travers son prisme, de même que son jugement sur ceux qu'il côtoie, à commencer par Katja, sa compagne et la mère de son enfant, dont on se demande par quel miracle elle a choisi de l'accompagner, tellement elle est différente de lui. Et il y aussi tous les membres de la famille de Jakob, que ce dernier méprise ou déteste, avec des raisons qui n'appartiennent qu'à lui. Tout au long du roman court une angoisse latente, comme une prescience des dangers à venir, d'une explosion de violence qui anéantira tout sur son passage. Reinhard Kaiser-Mühlecker maintient la pression sans faillir, avec un fort sentiment d'imprévisibilité pour le lecteur, entretenu dans un climat de tension presque insoutenable. Si la question de la culpabilité collective de l'Autriche et de son honteux passé hante certaines pages, c'est bien la difficulté de vivre et de communiquer, sans céder à ses démons, qui s'impose dans ce roman ébouriffant, puissant et troublant.

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le 8 juin 2024

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