La Jamaïque, pour tous ceux qui vivent en dehors, c'est un pays qui se résume à Bob Marley et à Usain Bolt. Avec un climat torride, une consommation effrénée de cigarettes qui font rire et une violence qui élève sa capitale Kingston au rang de Johannesburg, Mexico ou Lagos. Et sinon ? Rien d'autre. Marlon James, Booker Prize avec Brève histoire de sept meurtres, vient mettre un bon coup dans la fourmilière des idées reçues dans un roman foisonnant, dense et rageur, une fresque ambitieuse et stupéfiante qui raconte une île en éruption permanente dévastée par les différences sociales, la pauvreté et la multiplicité des crimes de sang. L'argument du livre tourne autour de la tentative d'assassinat du célèbre chanteur cité plus haut, le 3 septembre 1976 : quelques jours avant et longtemps après, de Kingston à New York. Un roman choral où les personnages viennent se confier les uns après les autres, avec chacun son propre langage. Cette littérature à l'estomac est impressionnante mais se révèlera sans doute indigeste pour certains. Plus de 800 pages au milieu du chaos, dans les confidences de membres de gangs sanguinaires, on a beau envie d'en savoir plus sur l'histoire récente de la Jamaïque, elle semble tellement être rythmée autant par les fusillades que par le reggae que l'overdose peut être fatale. Le langage est cru, les exactions permanentes, au-delà de l'horrible parfois, au point que le tableau d'ensemble et le style de l'auteur finissent par devenir sinon complaisants du moins trop conscients de leur efficacité et de leur puissance de feu. L'aspect hyperréaliste et dérangeant du livre est bien entendu une caractéristique de roman noir au sens le plus fort du terme mais disons qu'il vaut mieux être un adepte de Ellroy, Céline ou Dostoïevski plutôt que de Nothomb (par exemple) pour l'apprécier. Quoi qu'il en soit, et même si Brève histoire de sept meurtres peut agacer pour les raisons décrites plus haut, Marlon James est d'évidence un auteur à surveiller de près, ne serait-ce qu'en découvrant ses romans antérieurs, encore inédits en France.

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le 17 déc. 2016

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