Ecrit debout dans une chambre d'hôtel piteuse, innervé de scotch-glace, ce premier roman du maintenant bien célèbre James Ellroy, en bouche un coin par son efficacité.
Ellroy ancien toxico, SDF, orphelin à 18 ans, reconverti romancier à succès ne perça pas immédiatement, ce n'est pas en tout cas cet excellent Brown's Requiem qui lui a permis de changer de vie. Intéressant à plus d'un titre, d'une part car c'est le moins connu des bouquins d'Ellroy, celui où il balbutie, d'autre part car c'est une sorte de lien direct avec sa vie, le roman baigne en plein dans le milieu vérolé et inhabituel des caddies de golf de L.A. dans lequel il a travaillé un bout de temps pour tenter de stabiliser son existence. A l'époque où ils avaient encore une place essentielle ces "sherpas" du golfeur, chargés d'accompagner le joueur, trimballer son matériel, le conseiller sur ses coups, entre autres.
Premier roman et pourtant déjà une dynamite de la plume. L'écriture est fluide et franche, certains dialogues/séquences sont un poil exagérés mais le tout fait preuve d'une telle maîtrise pour un coup d'essai qu'on en vient à difficilement y croire que oui c'est bel et bien l'oeuvre d'un amateur.
Le récit et l'enquête sont si bien construits-déroulés, qu'on a pas d'autres choix que de se rendre à l'évidence: Ellroy est né pour ça. Pour nous asperger de sa vision de Los Angeles, suintante et dépravée. De sa narration sans fioritures, incisive et couillue. De ses personnages moribonds et de leur destinée si amère.
Brown's Requiem est un très bon polar, relativement classique dans sa trame mais noir et aride comme il faut. Sacré swing pour un premier tir.