Puissamment poétique, ce roman s'inscrit tout entier dans le décor de Bruges, perle du plat pays. Bruges la croyante, Bruges la fervente, Bruges la grise, Bruges la morte.
Un décor tout en clochers et en canaux pour servir d'écrin à un poignant drame romantique que dépeint une narration presque fantastique - qui n'est pas sans évoquer certaines nouvelles de l'ami Maupassant - mais que ses accents terriblement naturalistes affilient davantage à Zola.
Hugues est un quadragénaire veuf et inconsolable. Cinq ans après la perte de l'être aimé, il vit toujours cloîtré chez lui, avec sa bonne pour seule compagnie, usant ses jours dans un devoir de mémoire quasi mystique. Parmi les effets de la défunte qui sont pour lui autant de reliques journellement adorées, se trouve notamment la chevelure d'or de la morte dont l'absence ne semble pouvoir trouver d'apaisement que dans le silence morne de la ville, seulement troublé par les carillons des offices religieux. Malgré l'isolement et le chagrin, Hugues le mort-vivant, va pourtant à nouveau s'enfiévrer et sentir la vie reprendre ses droits lorsque son chemin croise celui d'une passante à la blonde chevelure et dont la ressemblance avec feue son épouse le bouleverse irrémédiablement.
J'ai été très touchée par ce roman et par cette poursuite de l'amour qu'il décrit à travers l'illusion, l'espérance puis la folie. La plume de Georges Rodenbach, tout en subtilité, est remarquable de talent ; les descriptions sont savoureuses, les allégories accessibles, le spleen palpable et malgré l'évidente noirceur du récit, c'est la beauté de l'amour et de la foi qui marque durablement le lecteur.