Une écriture magnétique pour un décorum si âpre

Cela faisait longtemps que je voulais lire un roman de Franck Bouysse. Buveurs de vents a été l’opportunité de découvrir l’écrivain et son emprunte littéraire. Je dois dire que Franck Bouysse a l’art de raconter une histoire mais son talent réside dans le fait qu’il cueille littéralement son lecteur. Dans Buveurs de vent ( titre se référant à la fratrie profitant de la vue sur la vallée du Gour Noir), l’écrivain nous raconte la vie d’une communauté digne d’un western. Les relations entre les hommes sont supérieures à une temporalité faussement absente. C’est la force du livre où le lecteur se raccroche à des situations intimes pour deviner ce qui se trame vraiment dans le village de Joyce et de ses alentours. On retient ce manque de communication pour oser exister, la pulsion sexuelle avide de certains personnages, la fibre écologique de Mathieu pour préserver la nature de la bassesse humaine, et des gens se réveillant d’un sommeil trop long pour apprendre à apprécier ce que la vie leur a donné. Mabel chez les femmes et Gobbo chez les hommes semblent être les figures clairvoyantes dont la course leur permettent de surnager dans la cruauté du monde dans lequel ils vivent. Leurs apparitions sont des souffles régénérateurs. Luc et son grand père Elie, cultivant une part d’optimisme dans leurs jardins personnels, ne sont pas avalés par leur environnement quelque part. Reste l’épilogue contrastant avec l’écriture magnétique et inventive de Bouysse ( où les dialogues ne sont plus annoncés par des tirets et se noient dans la narration). Le point de vue de l’écrivain consistant à défendre son décorum âpre jusqu’au bout. En faisant flancher Joyce un temps, la volte-face de ce personnage sera vertigineuse et à son image. Bouysse, nous rappelant au passage, qu’un indécrottable dominant ne supporte pas qu’on malmène son pouvoir. La vie est ainsi faite et Franck Bouysse, en refusant le happy-end, suggère que le côté obscur barre toujours la route à la lumière de se dressant sur son sillon. Un parti pris honnête et sans concessions.

Specliseur
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lectures 2020

Créée

le 17 sept. 2020

Critique lue 422 fois

1 j'aime

Specliseur

Écrit par

Critique lue 422 fois

1

D'autres avis sur Buveurs de vent

Buveurs de vent
Cinephile-doux
8

Vue imprenable sur la vallée

Western, conte et roman social : Buveurs de vent est tout cela à la fois, créant une atmosphère fuligineuse, dans une vallée isolée que personne ne semble pouvoir quitter autrement que les pieds...

le 13 nov. 2020

4 j'aime

2

Buveurs de vent
BrunePlatine
5

L'équipée malaise

Cela avait pourtant bien démarré. Je retrouvai dans les pages d'ouverture de Buveurs de vent ce qui m'avait séduite dans le précédent, l'excellent Né d'aucune femme : le souffle romanesque et...

le 30 nov. 2020

3 j'aime

Buveurs de vent
Cannetille
9

Nouveau coup de maître

Dans cette vallée coupée du monde, la vie tourne autour du barrage, de la centrale hydroélectrique et de la carrière, propriétés du puissant et tyrannique Joyce. Pourtant, par une sorte d’effet...

le 16 oct. 2020

3 j'aime

Du même critique

Eiffel
Specliseur
8

Un biopic alternatif remarquable

Ce qui marque d’entrée dans Eiffel est la qualité des scènes d’époque du côté de Bordeaux où de Paris. Martin Bourboulon effectue une mise en scène épatante où chaque détail compte. Les extérieurs de...

le 13 oct. 2021

40 j'aime

Paddington
Specliseur
7

Un petit ours débonnaire dans un film drôle et optimiste

Je comprends mieux pourquoi nos voisins britanniques ont une affection si particulière pour Paddington.Ce petit ours péruvien et déraciné qui débarque à Londres a déjà un regard naïf mais pas tant...

le 14 déc. 2014

26 j'aime

3

#JeSuisLà
Specliseur
7

La destination plus que le voyage

Jesuislà est un film retors car les vingt premières minutes du film ne vous préparent volontairement pas à ce qui va suivre. En effet, le spectateur a tout juste le temps de se baigner dans la vie de...

le 7 févr. 2020

19 j'aime