Cela faisait longtemps que je voulais lire un roman de Franck Bouysse. Buveurs de vents a été l’opportunité de découvrir l’écrivain et son emprunte littéraire. Je dois dire que Franck Bouysse a l’art de raconter une histoire mais son talent réside dans le fait qu’il cueille littéralement son lecteur. Dans Buveurs de vent ( titre se référant à la fratrie profitant de la vue sur la vallée du Gour Noir), l’écrivain nous raconte la vie d’une communauté digne d’un western. Les relations entre les hommes sont supérieures à une temporalité faussement absente. C’est la force du livre où le lecteur se raccroche à des situations intimes pour deviner ce qui se trame vraiment dans le village de Joyce et de ses alentours. On retient ce manque de communication pour oser exister, la pulsion sexuelle avide de certains personnages, la fibre écologique de Mathieu pour préserver la nature de la bassesse humaine, et des gens se réveillant d’un sommeil trop long pour apprendre à apprécier ce que la vie leur a donné. Mabel chez les femmes et Gobbo chez les hommes semblent être les figures clairvoyantes dont la course leur permettent de surnager dans la cruauté du monde dans lequel ils vivent. Leurs apparitions sont des souffles régénérateurs. Luc et son grand père Elie, cultivant une part d’optimisme dans leurs jardins personnels, ne sont pas avalés par leur environnement quelque part. Reste l’épilogue contrastant avec l’écriture magnétique et inventive de Bouysse ( où les dialogues ne sont plus annoncés par des tirets et se noient dans la narration). Le point de vue de l’écrivain consistant à défendre son décorum âpre jusqu’au bout. En faisant flancher Joyce un temps, la volte-face de ce personnage sera vertigineuse et à son image. Bouysse, nous rappelant au passage, qu’un indécrottable dominant ne supporte pas qu’on malmène son pouvoir. La vie est ainsi faite et Franck Bouysse, en refusant le happy-end, suggère que le côté obscur barre toujours la route à la lumière de se dressant sur son sillon. Un parti pris honnête et sans concessions.