Cela avait pourtant bien démarré.
Je retrouvai dans les pages d'ouverture de Buveurs de vent ce qui m'avait séduite dans le précédent, l'excellent Né d'aucune femme : le souffle romanesque et mystique, le beau style, l'atmosphère ténébreuse, mystérieuse... Le style demeurera, de bout en bout, fort léché, la construction, aboutie, en courts chapitres rapides qui scandent bien la lecture. On voit que Franck Bouysse a de la bouteille et une maîtrise certaine de son art.


Le lecteur suit la vie d'une fratrie de quatre, trois frères aux prénoms bibliques (Luc Matthieu et Marc) et une sœur (prénommée Jean par sa mère, mais surnommée Mabel par le reste en raison de sa beauté époustouflante), dont l'activité favorite et principale est de se balancer au bout de cordes pendues au viaduc. La famille Volny (vol-nid) vit dans une région (fictive, non identifiée) le Gour Noir, entre leur mère bigote et froide, Martha, leur père taiseux Martin et leur grand-père maternel, le bon Élie, estropié et sage de l'histoire. Plusieurs d'entre eux travaillent dans la centrale de la ville, détenue par l'horrible Joyce, véritable despote de la cité et ogre immonde à la cruauté notoire (le passage du poussin gobé m'a filé la nausée). On croise des personnages qui s'attachent à l'univers du conte, comme un justicier marin (Gobbo), ou des types patibulaires aux penchants criminels, dont un nain assez ignoble. L'atmosphère est pesante, l'espoir rarement de mise, il émane une certaine angoisse des pages qui défilent, et on ne sait qu'attendre vraiment de cette intrigue qui ne va véritablement nulle part.


Là où Franck Bouysse m'a perdue, c'est au passage de l'inceste. Quel dommage ! Le lien unissant la fratrie était l'un des rares rayons de lumière du récit et le voici affreusement entaché de ce choix romanesque révoltant, où le lecteur ne peut qu'être rattrapé par une réaction morale bien humaine. De plus, cet élément hautement discutable n'apporte strictement rien à l'histoire, sauf à la souiller immanquablement. La suite est un peu à l'avenant, un peu décousue, un peu gratuite, et le dénouement arrive très vite avec une facilité irritante, laissant en plan de nombreux détails de l'intrigue. En plein mouvement de grève, l'explosion criminelle du barrage permet de noyer (le poisson) la plupart des personnages et hop, the end.


Dans l'ensemble donc, ce roman m'aura laissée sur la touche, même si je lui reconnais des qualités formelles, stylistiques, et un sens de la narration bien vu. Le malaise de cet inceste, traité avec une complaisance et une ambiguïté difficiles à défendre, rend ce roman complexe à apprécier pleinement. Les trous d'air du scénario, la difficulté de s'attacher à des personnages pervers, retors, sournois ou artificiellement mystérieux, la gratuité de certains détails, ont malheureusement achevé de creuser ma déception.


Next, Franck !

BrunePlatine
5
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le 30 nov. 2020

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