"Les figures de proue nous mettent à l'abri de la médiocrité. Elles fendent les flots incertains. Elles nous élèvent au-dessus de nous-mêmes." Alain Peyrefitte, par la discipline et la rigueur constantes au fil des années qu'il appliqua à la prise de notes, raffine l'image, la représentation, la figure du grand personnage de l'Histoire que fut le Général de Gaulle.
On découvre, à travers les yeux de celui qui fut ministre de l'Information puis de l'Éducation nationale, tout un pan de la scène politique française qui n'était pas destiné à être révélé. L'auteur, sans s'effacer complètement, ne tombe ni dans la fausse modestie, ni dans l'admiration béate devant le Général, et arrive à trouver le ton juste. Que ce soit par les échanges et débats au sein du conseil des ministres ou par les discussions personnelles avec tel ou tel grand personnage de l'État, Peyrefitte nous fait entrer dans les coulisses d'une période faste de l'Histoire de France. Une période qui est étrangement à la fois proche et loin. Proche car distante d'au plus deux générations. Loin car c'était encore un temps où le pays était tenu, se gardait de se vautrer dans la démagogie, avait un cap.
Ce cap, c'est le Général qui lui indiquait et le poussait à s'y tenir. Dans ce texte, on sent toute l'exigence qu'il avait pour la France et les principes qui l'animaient. Son refus de céder aux féodalités, son bon sens quant à l'Algérie, ses réflexions sur l'immigration, sa volonté d'imposer le trait de la France dans la marche du monde, font de lui un exemple dont beaucoup devraient s'inspirer. Il émanait de lui une mystique française, une mystique proprement française, peut-être même la mystique française, et armé d'un courage inouï, il s'aventura en politique pour faire vivre dans la sphère temporelle cette magnifique mystique.
Enfin, et c'est peut-être là qu'aussi réside la richesse de ces écrits, on découvre, ou plutôt devine tellement les épisodes sont rares, des doutes, des sensibilités et des blessures du Général. Le dédain, voire l'hostilité des intellectuels, les revers électoraux, la facilité avec laquelle les français se vautrent dans le marasme, tout cela l'affectait. À force d'user le cuir, il finit par se déchirer. On peut être fait d'un très bon cuir, on finira toujours par être fendu. De Gaulle était fait du meilleur cuir, il n'y échappa pourtant pas.