Ca raconte Sarah, au titre intriguant et poétique, tant par sa sémantique que par son jeu de sonorités, nous happe de la même façon que l’amour happe la narratrice ; d’une façon inattendue, involontaire, malgré nous. Elle qualifie l’amour avec une femme de tempête, je qualifierai Ca Raconte Sarah d’ouragan ; tant que l’on n’a pas fini la lecture de ce livre, il est impossible de s’en détacher. Le roman ne nous laisse pas le temps de reprendre notre souffle, il nous montre le point de départ, le point de fusion entre les deux femmes, à travers une écriture parfois haletante, parfois plus posée. Les chapitres de tailles variables et non équilibrés ne sont pas sans rappeler les recueils de poésie, dans lesquels une partie du roman pourraient entrer. ,
La trame narrative n’est pas franchement originale, ni même surprenante, quoi que la fin puisse apporter une surprise pour les moins téméraires : le roman nous montre le point de départ, le point de fusion entre les deux femmes. La beauté de ce livre réside, à mes yeux, dans l’écriture de l’histoire, dans le sens qu’elle prend, et dans les passions dévastatrices qui y sont narrées. Il est en effet difficile de classer cet œuvre dans un genre. Est-ce de la prose, ou des vers libres ? Est-ce vraiment un roman d’ailleurs ? Mais cette oeuvre est plus que l’histoire de la naissance et de la mort d’une passion, c’est aussi l’histoire d’une initiation, celle à la sexualité avec une autre femme, c’est l’histoire de la confusion entre rupture et meurtre, entre rupture et maladie, entre maladie et meurtre. Ca raconte Sarah interroge sur l’émancipation face à la passion, est-elle possible ? La narratrice peut-elle replonger dans une vie sans passion, elle qui perd goût à la vie dès que Sarah repart en tournée ? Peut-être. Alors elle s’émancipe, se dégage de l’étreinte de l’amour tant bien que mal, poussée par le dépérissement de Sarah.
L’ajout de passages surprenants par leur pragmatisme dans cet élan d’irrationalité détonne, et semble confirmer l’aspect « authentique » du flot des pensées de la narratrice, qui se mêlent sous le coup de la passion, tout en venant apporter des éléments sur sa relation avec Sarah ( ainsi Hiroshima mon amour renvoie au caractère explosif de sa relation avec Sarah, mais les explications données tendent à illustrer le caractères conflictuel et le lien entre amour et mort, écho sournois au dénouement de leur histoire).
Après la lecture du livre, une chose m’a troublée ; je me suis rendue compte qu’a aucun moment la narratrice n’était présentée, et pourtant j’ai eu l’impression, durant toute ma lecture, de l’avoir saisie, d’en avoir eu une représentation de faite. La justesse de l’écriture m’a menée à connaitre la narratrice à travers ses sentiments et grâce à l’accès à sa pensée, et j’en suis venue à ne pas condamner l’abandon qu’elle fait de sa famille, au profit de la découverte d’elle-même, d’une nouvelle « elle », moins rangée et loin de sa vie routinière d’avant. J’ai ressenti, au même titre que la narratrice, la longueur et la monotonie de ses journées en Italie, loin de Sarah, grâce à l’écriture juste de l’auteure.
Le dénouement montre la narratrice se pensant responsable de la maladie de Sarah, et donc de la mort de leur passion. De cette lecture, les affiches de la tournée de Sarah deviennent un élément déclencheur de la fin de la narratrice, bien que cette fin ne soit pas explicite, et peut laisser le lecteur l’imaginer.