Dans l’Attentat, Yasmina Khadra nous entraîne sur le terrain particulièrement glissant et politiquement sensible du conflit israélo-palestinien, toile de fond du roman. Il y aborde des questions clefs, sans pour autant tomber dans le militantisme ou le parti-pris. Son écriture dépouillée nous laisse voir la douleur, à chaque page, dans chacun des camps ; nous ne sommes plus un simple spectateur du conflit, nous devenons, au fil des mots, un civil coincé dans son engrenage. La double identité du personnage, un israélien d’origine arabe, et la découverte des motivations de la kamikaze nous permettent, au gré de ce voyage initiatique, de cerner les enjeux des deux peuples, et ébranlent nos convictions. C’est un voyage à l’origine du Mal que nous propose Yasmina Khadra, un voyage dans les consciences, dans le monde de l’intégrisme où la vie d’un homme n’est qu’un moyen au service d’une cause. La circularité du roman semble apporter une réponse à Amine, l’idée de répétition étant marqué par ce début qui s’avère être la fin, et cette fin qui se retrouve au début, comme si le conflit n’avait plus de début marqué, qu’il se mordait la queue et ne pouvait s’arrêter. La description qu’il en fait au début du roman nous plonge immédiatement dans un univers de violence difficilement soutenable.
La naïveté du personnage le mène à être rassuré vis-à-vis de sa femme au sujet d’un simple adultère, ce qui pourrait paraître dérisoire aux vues des circonstances ; est-ce là une façon de dédouaner le terrorisme, ou bien de montrer la nature fragile voir ridicule de l’Homme se raccrochant à l’amour ? Le personnage d’Amine est intéressant également parce que cet un homme dans lequel le lecteur se projette, c’est un chirurgien qui refuse de prendre parti dans le conflit, jusqu’à ce que la vie l’y force. Il est difficile de ne pas se sentir concerné par ses souffrances et par la violence dans laquelle il se retrouve plongée. On regrette néanmoins l’abondance de bon sentiments qui découlent de la relation qu’il avait avec sa femme, qui s’apparentent par moment à des paroles de collégiens débordant d’amour et se promettant la lune ( on pense notamment aux paroles du style « Tu es le monde, pour moi. Je succombe toutes les fois où je te perds de vue. ») mais l’on peut justifier leur présence. En effet, peut-être ont-elles pour rôle de rendre plus incompréhensible encore le passage à l’acte de sa femme, et son caractère impromptu aux yeux d’Amine.
C’est un roman dont la lecture ne nous laisse pas indemne, tant il est touchant, percutant et tristement réaliste. Il fait partie des romans qui nous marquent alors que l’on ne les avait pas vu venir, de ceux dont la portée est universelle, en atteste le nombre de langues dans lequel L’attentat à été traduit.