Après avoir découvert avec beaucoup de plaisir l’inégalable Psmith, le plus grand personnage de son auteur P.G. Wodehouse et l’un des plus jubilatoires que la littérature ait produit, c’est avec beaucoup d’impatience et des attentes très élevées que j’attendais de faire la rencontre de Bertram Wooster et de son valet Jeeves, duo de protagonistes encore plus célèbre. C’est avec la lecture de « Right Ho, Jeeves » que je me suis plongé dans les aventures de ces deux personnages.
Bertram "Bertie" Wooster est un aristocrate britannique dont la fortune considérable et l’absence fort commode de famille proche (à l’exception de quelques tantes plus ou moins envahissantes) lui permet de vivre confortablement sans trop se préoccuper des fins de mois. Jeeves, quant à lui, est son majordome, très distingué et suprêmement intelligent. Que son astuce provienne de son crâne proéminent ou de sa consommation excessive de poisson, elle lui permet de résoudre les problèmes les plus divers et lui a valu une certaine notoriété dont Bertie est un peu jaloux.
Tout juste de retour de vacances sur la côte d’Azur, Wooster est sollicité par sa tante Dahlia qui cherche l’expertise de Jeeves pour réconcilier sa fille Angela avec son fiancé. L’un des amis d’enfance de Bertie, Gussie Fink-Nottle, cherche quant à lui conseil pour courtiser la demoiselle de ses rêves. Hélas en froid avec son valet pour une sordide dispute vestimentaire – la veste de soirée portée à Cannes par le jeune aristocrate n’est guère au goût de Jeeves – et échaudé par la tendance de ses proches à vanter l’intelligence du majordome, Wooster prend sur lui de résoudre les affaires… à sa manière.
Le propre du style Wodehouse, c’est qu’on retrouve souvent les mêmes choses d’une histoire à l’autre. Un manoir à la campagne. Un personnage acariâtre et autoritaire. Une jolie jeune fille au caractère bien trempé. Un jeune premier un peu distrait. Pourtant, toutes ses histoires réussissent néanmoins à être à chaque fois originales et différentes (preuve, s’il en était besoin, de son génie).
Ici, on a un agent destructeur en la présence de Bertram Wooster, dont, loin d’arranger les choses, les nouvelles idées – pourtant non dénuées de bonnes intentions – engendrent de nouveaux problèmes dans la maisonnée. On se prend alors à attendre de voir quels désastres vont s’abattre sur les autres personnages lorsque Bertie met ses plans à exécution et refuse catégoriquement d’avoir recours à l’assistance inestimable de Jeeves. Le tout constitue une succession de scènes toujours plus drôles les unes que les autres qui s’enchaînent avec la logique la plus implacable. Le talent de Wodehouse pour développer organiquement son histoire de manière à ce que les choses empirent toujours de la façon la plus réaliste possible pour le plus grand plaisir du lecteur est magistral.
Voir tous les beaux efforts de Wooster ruinés par la plume implacable de Wodehouse est une merveille de lecture et un immense plaisir jubilatoire. La brochette de personnages qui interviennent ici est bien détaillée – comme toujours – et voir Jeeves et son cerveau en action est une expérience. Il manquerait peut-être un personnage à la hauteur de Psmith pour rendre le livre plus brillant encore, mais on est pas loin du chef d’œuvre…