Un regard ironique sur l'Angleterre Victorienne
Drôle de livre que celui-ci. Un mélange de trois époques, d'éternels aller-retours temporels, un début ennuyeux mais une fin trop rapide... En tous cas, même si la tentation était présente, je suis bien contente de ne pas avoir arrêté ma lecture en cours de route. Car Somerset Maugham fait une très fine analyse de l'âme humaine, et sa capacité de dessiner des personnages complexes, qui éveillent chez le lecteur des sentiments d'agacement, d'attendrissement ou de preplexité est impressionnante.
L'histoire est racontée à la première personne du singulier, et d'une façon qui nous fait nous demander si le narrateur est fictif ou si l'auteur raconte des événements vécus, ou du moins très proches de la réalité. Une grande partie des personnages sont des écrivains ou des gens liés au monde des lettres, et des réflexions sur la vie des écrivains, sur leurs sources d'inspiration et sur la vanité de leur monde de salons parsèment le livre. L'action se déroule, comme dit ci-dessus, à trois périodes différentes, car le narrateur, pensif ou mélancolique de sa jeunesse maintenant qu'il est apparemment un homme mûr, revit ses souvenirs d'adolescent et de jeune adulte. Nous rencontrons à ces époques toutes sortes de personnages que nous retrouvons quelques pages plus loins vieillis de 30 ans ou plus, ce qui rend parfois l'histoire un peu difficile à suivre, mais plus vivante en même temps. Nous nous trouvons en Angleterre la plupart du temps, à Londres ou dans la campagne du Kent. L'entourage du narrateur est très fermé d'esprit, très "snob", et j'avais quelquefois envie de crier au personnage principal de leur jeter leurs quatre vérités à la figure, mais bien entendu il s'agissait d'une autre époque, puis ce n'était pas un trait de sa personnalité que de faire des esclandres. Cela dit, Somerset Maughal a une façon assez amusante de suggérer que son personnage principal, même s'il reste poli et souvent silencieux en toutes circonstances, conçoit un certain mépris pour ces "gens de lettres" et leurs idées bien arrêtées concernant les manières distinguées de se comporter en société, d'arranger sa maison avec goût et d'occuper son temps libre. En lisant ce roman, on en vient à voir le narrateur comme une sorte de personnage à part, qui se considère à la fois comme bien supérieur à tous ces gens pleins de préjugés, mais aussi comme un simple écrivain sans génie particulier et sans grands talents sociaux.
Le personnage de Rosie, qui est celui dont la psychologie est la plus développée dans le roman, constitue une sorte de deuxième personnage principal. Le narrateur la présente comme étonnante du fait du contraste qui existe entre sa beauté virginale accompagnée d'un comportement presque enfantin, et ses adultères réguliers. Mai ce qui est intéressant dans ce personnage est son absence de culpabilité, le naturel qu'elle met à faire l'amour si l'envie lui en prend, ou si elle souhaite juste faire plaisir à quelqu'un. En voyant les choses comme ça, peut-être que le thème du roman est quelque chose comme l'opposition entre la société réglée et pleine d'interdits de l'Angleterre Victorienne et la nature de l'homme quand il reste simple et suit ses inclinaisons naturelles.