Alors que je venais de commencer le dernier Beigbeder, je vois que l'on joue Candide au théâtre de l'Ile. Je me dis que je l'ai dans ma bibliothèque, sans doute une lecture scolaire d'une de mes sœurs que j'ai récupérée, et que je ne l'ai jamais lu. Or on est vite emporté par le style vif de Voltaire (et là Beigbeder ne fait pas le poids)...
Ce que je garde d'abord de cette lecture c'est la façon dont le dernier chapitre m'a mis du baume sur le cœur.
En effet, après tous les désastres relatés de chapitre en chapitre, on sent grandir une inquiétude : que parmi tous les personnages c'est peut-être Martin le pessimiste qui est le plus proche de la vérité, sa thèse étant celle qui se vérifie le plus souvent ; un tremblement de terre qui fait des milliers de morts, les atrocités de la guerre, les héros escroqués, torturés, les femmes violées, vendues, utilisées... Rien n'étonne jamais Martin : tout va mal dans ce monde car les hommes sont mauvais.
Qui n'a jamais été tenté de penser de même face à l'actualité : les attentats, les fusillades dans des écoles, les bombardements faisant des milliers de morts, des enfants qui souffrent partout dans le monde... Souvent, il faut ignorer toute cette misère pour continuer sa vie, c'est nécessaire.
Et lorsque tous les personnages finalement réunis commencent à s'enkyster dans leur vie, la rencontre avec le « bon vieillard » qui « cultive son jardin » est une vraie respiration. Il apporte la seule véritable réponse du récit. Mais chacun en tire une leçon à sa manière. Celle de Candide est la plus énigmatique alors même qu'il semble vraiment convaincu pour la première fois : « Je sais aussi, dit Candide, qu'il faut cultiver notre jardin. » Ce sont les seuls mots qu'il répète et ce sont les derniers du conte. À chaque lecteur de se demander comment il va cultiver son jardin.
Je n'ai peur de rien puisque j'écris en cinq minutes mon ressenti sur la lecture d'un grand classique qui a été minutieusement analysé et a fait l'objet d'articles que je n'ai pas lus. Eh bien je vais enfoncer une autre porte ouverte : ce fut un étrange sentiment que de lire avec autant de plaisir un récit écrit au XVIIIe siècle. Ce n'est pas la première fois, loin de là, mais cela m'émerveille toujours qu'un texte soit si bon, si juste, qu'il voyage jusqu'à nous.
J'ai eu aussi de francs éclats de rire, Candide est un texte très drôle. Les situations sont de plus en plus invraisemblables et nous font parfois penser que c'est une histoire de fous (Voltaire s'est sans doute beaucoup amusé en l'écrivant).