J'avais hésité à en faire emplettes lors de sa sortie chez Bragelonne. 20 € pour un techno-thriller (c'est ce qui est écrit sur la 4ème de couv'), je trouvais ça un peu chérot. A 8 € en réédition poche sous le label Milady, la question ne se pose plus.
Il n'y a pas de tromperie sur la marchandise. Contrairement à ce que j'ai pu en lire ici et là ("le renouveau de la SF" ; "une claque dans le monde policé de la science-fiction" ; "le meilleur livre de SF depuis Blade Runner"...), ce bouquin est bien un techno-thriller.
Mais il n'est que cela.
Vous prenez Jack Gittes et vous le transférez du Chinatown de Polanski au L.A. de Gibson. Ou, si vous préférez, transportez Philip Marlowe dans un avenir imaginé par Varley pour y placer ses Mannequins. Dans le deux cas vous obtenez une assez bonne description de ce qu'est Carbone Modifié : un scénario de polar futuriste.
Le fait qu'il ait reçu le prix P. K. Dick en 2003 ne le dédouane en rien. Lui attribuer ce prix pour son ambiance à la Blade Runner, revient à faire la confusion entre le film de Scott (qui néanmoins est dans mon top 10 cinématographique) et le livre de Dick.
Vu de mon opercule, il ne méritait pas ce prix.
Si il fallait un unique argument pour défendre ce point de vue, j'utiliserai le suivant : il n'y a aucune, mais vraiment aucune, idée originale dans Carbone Modifié :
- les diplos : une sous-version du Busab cher à Herbert ;
- le neurachem, les I.A. et la réalité virtuelle : des idées largement développée par Gibson auxquelles Morgan n'apporte aucune nouveauté ;
- les maths, la pile corticale et l'enveloppement : une bonne dizaine de nouvelles ou romans de Varley font le tour de ce thème ; là encore, Morgan les utilise sans même en tirer intelligemment profit.
Car c'est là le deuxième défaut de ce livre : l'incohérence et la faiblesse des motivations des personnages, Morgan n'arrivant même pas à boucler correctement son (et oui, il n'y en a qu'une seule) intrigue. Le pire arrivant lorsque Kovacs, après une copie en double enveloppe corporelle, doit choisir entre les deux "personae" et le fait avec pierre-feuille-ciseau.
Tout ce mal étant dit, il n'en reste pas moins vrai qu'à ce tarif là, ça ne vaut pas le coup de s'en priver.
Et ça peut même vous donner l'envie de relire Herbert ou Gibson. Et, pourquoi pas, Dick ou Varley?