Le 10 paraîtra sans doute démesuré. Je l'accorde, mais ces carnets ont été l'occasion pour moi de m'immiscer dans une partie du monde que je connais mal et provoquent la résurgence d'autres oeuvres que j'évoquerai ici...
Homme du nord par excellence, mon regard de touriste de salon (j'ai peu voyagé dans ma vie) s'est toujours tourné vers la partie Est du monde que celle de l'Ouest et notamment ce que l'on appelle historiquement la Russie, la Sibérie l'une de ses provinces et tous ces "petits" territoires qui parsèment les steppes de l'Asie centrale (allant de la Roumanie à la Manchourie en passant par la Mongolie). Quelques notes de hautbois et je rejoins Borodin ou encore Ippolitov-Ivanov
Je préfère aussi aux ouvrages scientifiques, les carnets de voyage parfois plus fantaisistes mais tellement proches des âmes. Ces "Carnets des Steppes : A cheval à travers l'Asie centrale" en sont un bel exemple. Il est vrai que les textes sont courts, il y manque souvent du détail sur chaque lieu ou villes traversés. Ce n'est donc pas un ouvrage de référence pour voyager, ce serait plutôt un appel à la vigilance d'un monde dont les coutumes, les pratiques quotidiennes de vie, voire les traditions disparaissent de plus en plus. La main mise bolchévique avait déjà brouillé les pistes, aujourd'hui l'épandage de la mondialisation, la prégnance religieuse et l'ouverture vers la Chine terminent de balayer ce qui fut pendant des siècles un mode de vie spécifique, commun à chaque région, le nomadisme pastoral. Aucune partie n'est épargnée, ce vaste territoire possède beaucoup de matières premières. L'intention de Tesson et Telmon n'est pas pour autant de plomber l'esprit du lecteur. C'est pourquoi ils consignent chaque particularité ou paysage à découvrir absolument et témoignent surtout des instants de vie si différents de ces peuples à l'hospitalité légendaire. L'iconographie est superbe.
Leur périple s'est effectué à cheval, difficulté de taille pour parcourir autant de distance. Cette relation si fusionnelle homme/bête n'est pas sans rappeler celle du film Serko, qui se passe en Sibérie, où un jeune cosaque traversait 9000 kms de paysages fantastiques pour prévenir le Tsar des exactions commises par le gouverneur de sa province. Le cheval, appui inégalable de l'homme dans la nature hostile, retrouve toute sa noblesse et pour ce jeune soldat de rencontrer autant de chaleur humaine à son contact.
La Sibérie, Sylvain Tesson connaît bien que ce soit "Dans les forêts de Sibérie", mais surtout "Sibérie ma chérie" où il se trouve là aussi en symbiose avec les autochtones, entre isolement et partage il a découvert le sens de la vie de ces contrées. En espérant qu'il ne soit pas l'un des derniers témoins... et que ses notes, photos, films et témoignages en tout genre ne soient pas les ultimes preuves.
On parle beaucoup des drames que provoque le réchauffement climatique, nettement moins de ce que l'homme entreprend avidement, chaque jour en terme de destruction (l'assèchement de la mer d'Aral ou la presque disparation des saïgas sont de son fait). Il y a de quoi être inquiet par la rapidité de cet annihilement qui frappe même les contrées les plus au nord et plus hostile encore, comme le rappelait Clément Cogitore avec "Braguino"