Comme pour un nuage, on peut donner la forme que l'on souhaite à Cloud atlas : roman, récits parallèles, nouvelles... A l'inverse, la consistance de ce livre est extrêmement solide. Le travail de David Mitchell est impressionnant. L'auteur jongle sur plusieurs époques, maîtrisant parfaitement restitution historique et anticipation, alliant travail documentaire et d'imagination. Cette maîtrise s'illustre par les niveaux de langues, la narration passant d'un anglais ancien à une langue d'"anticipation", véritable réflexion linguistique sur l'évolution des mots, où la marque remplace l'objet (une chaussure est une nike, comme aujourd'hui un réfrigérateur est un frigo). Contraste plus prononcé en version originale selon des amis bilingues (ce que je ne suis pas).
La construction peut dérouter au départ, mais on est vite étourdi par l'habileté avec lequel l'auteur lie des personnages qui n'ont aucuns rapports entre eux, en apparence. ce livre est à l'image de la symphonie de Robert Frobisher :
Chaque histoire ne se vit pas de la même façon, selon notre empathie avec les personnages. L'émotion et l'intérêt sont alors plus ou moins prégnants.
David Mitchell explore le temps comme il explore les formes littéraires : carnet de bord, lettres, polar, interview tradition orale... Toujours avec justesse, sauf peut-être l'histoire de Luisa Rey, étonnamment classique et peu subtile. A moins que l'auteur ne pousse la fidélité au genre jusqu'à en exploiter les défauts.