Qu'est ce qu'un océan, sinon une multitude de gouttes ?
Un conseil : LISEZ LE, LISEZ LE, LISEZ LE !
Ce livre fait partie des œuvres que je défendrais avec fougue, que je conseillerais à tout le monde, que j'offrirais aux anniversaires, que je prêterais et oublierais chez les gens pour qu'ils la lisent. Et pour qu'ils aient le courage d'avaler 660 pages en papoche (éditions de l'olivier), je vais écrire une petite critique sans prétention (car devant l'étendue de l'oeuvre, dire quelque chose de construit est difficile).
Pour commencer, je dirais que ce que prétends la 4ème de couverture sur ce roman, qu'elle qualifie d'"un des univers romanesques le plus singuliers du XXI ème siècle" se révèle plutôt vrai.
Cartographie des nuages est un roman a tiroirs qui contient une multitude d'histoires organisées selon une structure originale. Pendant la première moitié de l'oeuvre, vous rencontrez des personnages nouveaux, issus d'époques temporelles différentes. Dans la seconde moitié du roman, l'auteur donne au lecteur la fin de ces histoires. On progresse comme sur une gamme (do ré mi fa sol la si do si la sol fa mi ré do).
Pour continuer avec la métaphore musicale, on pourrait parler pour ce roman de variations (et ce n'est pas Milan Kundera qui nous en voudra). En effet, pour reprendre le vocabulaire du critique, nous avons affaire à des thèmes qui, comme les variations musicales, sont déployés au fil de l'œuvre et sont incarnés par les motifs du texte ou par les personnages.
Ce qui fait l'intérêt du roman, c'est donc la subtilité de l'évolution du raisonnement qui ne s'incarne pas de façon habituelle mais auquel le lecteur accède par un cheminement d'une histoire à l'autre. Le lecteur construit un système d'échos entre les thématiques et fait avancer la réflexion en créant des ponts.
Mais alors, quels sont ces thèmes ? De quoi parle Cartographie des nuages ? De beaucoup de choses. La principale étant (je pense) la pérennité des caractères humains, plus particulièrement de sa capacité à désirer comme un "rapace" le pouvoir et le progrès. David Mitchell fait ici un constat très dur de la nature des hommes, qui sont présentés sous de multiples facettes mais qui ont tous intégré cette soif, qu'ils luttent contre elle ou non.
Mais Cartographie des nuages est aussi un livre drôle, qui manie le cynisme et l'ironie avec brio, c'est également un livre de révolte, qui aiguise la colère du lecteur et le pousse à s'indigner (tiens, ce ne serais pas un concept à la mode ?), mais qui nuance cette révolte en diluant progressivement l'idée d'une fatalité, d'un destin collectif et qui pose des questions sur le devenir humain et sur la contingence du monde.
Enfin, Cartographie des nuages, c'est un livre que j'aime très fort parce qu'il est capable de déployer un univers total (enfin presque, il ne faut pas être dupe de la littérature), parce qu'il enrichit celui qui le lit, parce qu'il me donne des motifs de réflexions et parce qu'il est très bien écrit.
Tiens d'ailleurs, j'ai oublié de vous parler de la capacité de Mitchell a inventer des néologismes qui font exister linguistiquement un futur imaginaire et lui donnent une épaisseur supplémentaire (ce que je trouve vraiment bien joué).
Bon, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour vous donner envie de rejoindre le trop faible nombre de lecteurs francophones de Mitchell, j'espère avoir su convaincre, même si je trouve moi même ma critique un peu faiblarde par rapport à l'intérêt que je porte à ce roman.