Découverte fortuite d'une illustre inconnue, Nadejda Dourova (1783 - 1866), la "cavalière du tsar". Cette dernière est pourtant bien un personnage de l'"autobiographe" puisque les deux vies ne coïncident qu'imparfaitement ensemble. Toutes deux ont fui le destin dévolu au genre féminin dans l'empire russe, le foyer, présenté comme une triste prison. C'est pourquoi Nadejda Dourova s'est fait passer pour un homme et est devenu Alexandrov, un militaire née en 1789 dans ces mémoires. Le personnage a pour moi quelque chose de Frankie Adams, je m'explique : l'Alaska est pour l'adolescente un échappatoire, un rêve, une vie idéalisé... la vie militaire est un peu l'Alaska pour le personnage de Nadejda Dourova. Cette dernière ne s'arrête pas là pour autant, elle s'y promène, au trot de son cheval.



Le fait est qu'il ne leur vient pas à l'esprit que tout ce qui est ordinaire pour eux est très extraordinaire pour moi.



Mais son écriture rend cette aventure tout aussi extraordinaire ! Nadedja Dourova a tout transcrit dans son journal au moment des faits, elle en a ensuite fait un roman, telle un Casanova qui aurait en plus le goût de décrire des paysages. Son tracé descriptif suit le chemin parcouru, elle n'a pas besoin de s'arrêter pour contempler les collines, les étoiles (même si elle le fait parfois) elle donne constamment une impression de mouvement, qui me transporte, donne à ses mémoires un côté page-turner empli d'humanité et de drôleries. Les nombreuses rencontres qu'elle fait sont l'occasion de caractériser d'un trait aussi efficace, elle dit peu, il n'y a pas de portrait, plutôt l'effet que toutes ces personnes ont produit sur elle ; dureté, noblesse ou bêtise, sympathie.


Nadejda Dourova n'oriente pas vraiment ses choix stylistiques en fonction du réalisme (elle écrit ses mémoires un peu avant 1830) ce qui ne l'empêche pas de dépeindre la dureté des conditions militaires et la cruauté de la guerre. Elle ne dénonce rien (elle se plaint à la limite), elle en parle... elle nous donne à voir une certaine réalité. Je craignais que son récit soit une sorte d'exaltation patriotique ― elle le fait extrêmement peu, du reste ― chose qui me l'aurait rendue absolument étrangère. Elle l'est (par son tsarisme) et ne l'est pas, ce qu'elle partage en priorité étant très humain.


Lu du 7 au 20 décembre 2021. Traduit du russe par Paul Lequesne. 426 pages - Viviane Hamy

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le 21 déc. 2021

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