L'héroïne de Cette nuit, je l'ai vue, Veronika, est une femme légère comme une bulle, insolente, fantasque, éprise de la vie. Mais Dieu que l'insouciance s'accorde mal aux temps de crise, quand la guerre est là, dans cette Yougoslavie occupée par les nazis alors que les maquisards investissent les forêts inspirés par un certain Tito qui s'est auto-proclamé maréchal. Cinq voix se succèdent dans le roman de Drago Jancar pour évoquer Veronika. Ils sont amant, mère, ami, domestiques. Et ils l'ont tous aimée, chacun à leur façon. Comment en aurait-il pu être autrement ? Elle était de celles dont on ne pouvait qu'admirer la grâce, la liberté et la sensualité. Le roman est comme une symphonie tragique en cinq mouvements pour un destin bouleversé par la guerre qui ne fait pas de cadeau à l'innocence. Que s'est-il passé cette nuit de janvier 1944 quand Veronika et son mari ont quitté leur résidence pour ne plus réapparaître ? Jancar, avec un art maîtrisé, distille les informations au compte-goutte, chaque récit complétant et éclairant le précédent jusqu'au dénouement. C'était une époque troublée en Slovénie, comme ailleurs en Europe, où la frontière entre collaboration et résistance avec l'occupant était parfois bien floue. Intense et délié, le livre de Drago Jancar s'impose par son style et son émotion contenue.