Noir c'est noir.
La dualité King / Bachman, largement commentée depuis son dévoilement, notamment par l'écrivain lui-même, a beau être rentrée dans les mœurs des lecteurs, elle n'en est pas moins fascinante. Là où...
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le 6 juin 2017
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La dualité King / Bachman, largement commentée depuis son dévoilement, notamment par l'écrivain lui-même, a beau être rentrée dans les mœurs des lecteurs, elle n'en est pas moins fascinante. Là où King, à quelques exceptions près, essaie de faire briller ce qu'il y a de meilleur dans l'être humain, Bachman est en revanche à la limite du nihilisme, et Chantier, un de ses livres les moins estimés (car sans doute inadapté / inadaptable au cinéma), est un réel joyau noir dans son œuvre.
Au sein d'un récit brillamment construit, Bachman trace le portrait d'un homme qui voit la vie qu'il s'est construite, bon an mal an, menacée d'un inexorable bouleversement : la construction d'une autoroute le force à devoir déménager de la maison qu'il habite depuis 20 ans avec sa femme, et à devoir chercher un nouvel emplacement pour l'usine de blanchisserie qu'il gère depuis des lustres.
Dans un mélange de déni et de révolte, il ment, louvoie, remporte des petites victoires d'amour-propre, et fout surtout sa vie en l'air pour de bon. Allégorie sur la peur du changement, et, en sourdine, de la mort, Chantier n'est pas un roman spectaculaire (sauf lors de deux scènes cathartiques), mais il transmet de manière insidieuse le désespoir profond de son héros. Le compte à rebours avant l'expropriation, le malaise devant les réactions maladroites et parfois absurdes de Bart, qui s'agite tel un insecte sous une loupe, tout cela donne un ton noir, très noir au roman.
Le style de Bachman, sans trop de fioritures "à la King", est totalement dans le ton du récit. Ici, pas de digressions sur d'autres personnages, tout tourne autour de Bart, de son boulot, de ses pensées, de ses souvenirs, et de sa conscience de la fin approchante. Le contexte de la crise pétrolière, très présent, renforce en creux l'idée du "à quoi bon" qui parcourt Chantier, puisque si cette crise est sur toutes les lèvres, elle n'affecte en rien Bart et son introspection désordonnée.
Plus que le récit d'une rébellion contre la société qui évolue impavidement sans se soucier des individus qu'elle broie, Chantier est la brillante analyse d'un homme à bout, et qui l'était déjà des lustres avant que sa vie parte pour de bon en quenouille - ce qui reste encore le plus terrifiant dans ce roman.
Créée
le 6 juin 2017
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