Tu parles, Charles !
Curieux, cette impression en fermant le livre de rester exactement sur l'à-priori de départ. Teulé écrit bien, rend parfaitement l'esprit d'une époque qui n'est plus la nôtre en dépoussiérant le...
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le 5 mai 2011
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J'aime bien le style de Teulé ; une certaine gouaille et une volonté de sortir des carcans de la politesse affichée rendent ses écrits faciles à lire, et plus vivant qu'un style ampoulé, pourtant plus dans l'esprit de l'époque, pourrait le faire. Le vocabulaire est à la fois désuet et contemporain, ce qui rend ses personnages plus accessibles, plus attachant.
Teulé, après avoir croqué avec brio François Villon, après m'avoir fait rire et détruit le moral avec le « Magasin des Suicides » (que je conseille à tous), puis m'avoir horrifié à la lecture de « Mangez le si vous voulez », va s'attacher à raconter les dernières années de Charles IX de France, ce roi malheureux dont l'Histoire ne retient que son rôle dans le Massacre de la Saint Barthélémy.
Et y'a pas à dire, Teulé écrit toujours aussi bien. Il y a toujours autant de vie dans ses personnages, des jurons vivants et imagés, de l'humour parfois glauque et contenu...
Mais mon dieu que Teulé est conventionnel dans son image de la famille royale de cette époque...
J'admets que l'on puisse avoir une image déformée de l'époque : nous n'y étions pas, et il est difficile de la représenter avec nos valeurs actuelles, mais ce qui était habituellement chez Teulé le fruit de recherche historique est ici remplacé, à mon avis, par les malformations opérées par ce chantre réactionnaire bourgeois que fut Alexandre Dumas (n'oublions jamais que Dumas Fils loua l'action des Versaillais et leurs 30 000 morts.)
Car Teulé reprend exactement les images que Dumas donne de la famille royale de France. C'est étrange car il cite une bibliographie assez intéressante à la fin de son ouvrage.
C'est là qu'on se rend compte des limites de l'érudition par rapport a la nécessité d'écrire un livre où chacun retrouvera ses propres codes et pensées. Son ouvrage, quoi que fort agréable à lire, je le répète, semble n'avoir pas retenu les ouvrages cités. Une simple lecture de « Te Deum pour un Massacre », superbe jeu de rôle tellement difficile à appréhender pour les joueurs, peu habitués à la culture de la renaissance, aurait suffit pour écrire la même chose, et sans erreur sur la psychologie des derniers Valois.
Je ne dis rien sur sa vision de Charles IX, qui est certes spéciales mais pas éloignée de l'image que j'avais de ce roi. Je passe sur Catherine de Médicis, encore une fois représentée comme une mégère (ce qu'elle n'était pas, bien au contraire : elle était drôle, intelligente et cultivée... Et passionnée de chasse !)
Mais j'avoue être de plus en plus agacé quand on fait d'Henri d'Anjou et de ses mignons une bande de folles, drag queen avant l'heure. Et là, faut avouer, Teulé force le trait ! Henri d'Anjou est plus qu'une folle, c'est un mélange de Priscilla, Frankefurter et un plat de nouille.
Quand on sait que, historiquement, on ne lui connaît aucune aventure homosexuelle, et qu'au contraire on lui connaît moult aventures galantes féminines, et même des chagrins d'amour exceptionnels (en particulier celui pour Marie de Clèves.), et ben c'est embêtant. De surcroît, aucune source de l'époque ne parle d'amours inverties, si ce n'est des pamphlets injurieux (issu de la Ligue Catholique). Même l'Abbé de Brantôme, pourtant grand colporteur de ragots, friand d'histoire de ce genre, ne parle que de son amour des femmes.
En plus, il termine avec brio, intelligence, culture et honneur cette lignée des Valois qui n'a été qu'une succession de crétins chevaleresques (Jean II le Bon, que j'apprécie cependant) ou non (Charles VI le Fol), de veules et de fourbes (Louis XI, l'Universelle Aragne) voir de chiens sans honneur (François 1er). Ok, je n'aime pas les Valois et j'exagère, j'avoue.
Mais Henri III a une mauvaise presse bien mal méritée. Il était certainement le plus intelligent de sa fratrie (avec une exception pour Marguerite, sa sœur), doué d'un sens tactique certain, mais il a du composer avec la puissance des Grands (en particulier de la Ligue dirigée par les Guises) et l'intransigeance religieuse de son époque. Il a de surcroit eu la bonne idée de désigner Henri IV comme son successeur, au mépris de ses convictions religieuses (il était très pieux) au nom de la raison et de la stabilité de l'Etat. Il avait bien compris, grâce à sa mère, que ce qui comptait était l'obéissance à l'Etat, et non pas la religion de chacun.
Et pour finir, les mignons étaient plus une bande de bretteur issu de noblesse petite ou moyenne, fidèles à Henri car lui devant tout, et prêt à en découdre au moindre manquement à l'honneur qu'une bande de partouzards mignardant et gamahuchant le dit Henri d'Anjou !
Bref, petite déception quant à ce livre. Agréable à lire, certes, mais décevant. Je m'étais habitué à moins de stéréotypes de la part de Teulé. Mais je continue d'apprécier ses écrits.
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le 20 juin 2012
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