Pour son nouveau roman, l’écrivaine choisi la forme épistolaire pour raconter des échanges par mail (on imagine) entre Oscar, un romancier fan de rap et Rebecca, une actrice à qui le cinéma fait moins confiance que par le passé, le tout entrecoupé d’extraits du blog d’une jeune activiste féministe. Tous deux ont vécu leur jeunesse dans le nord-est de la France, du côté de Nancy. Ils se sont croisés, étant donné que Corinne, la sœur d’Oscar, était la meilleure amie de Rebecca. Mais voilà qu’ils se retrouvent des années après dans une correspondance au long cours qui débute sur une forme un peu agressive, mais qui au fil des pages va se transformer en un échange sans flatterie mais avec une certaine tendresse. Mais tout commence au moment où Rebecca apporte son soutien à la jeune blagueuse Zoé Katana, hyperactive sur les réseaux sociaux, qui dénonce le comportement d’Oscar lorsqu’elle était son attachée de presse.
Comme on pouvait s’y attendre, le roman brasse tout un tas de thèmes très actuels, se présentant comme une sorte de digest de notre époque, englobant la plupart des sujets qui ont fait débat et qui ont alimenté les conversations sur Internet et ailleurs au cours de ces dernières années : Le féminisme, le harcèlement, le viol, les réseaux sociaux, la dépression, #MeToo, la masculinité toxique, le Covid… sans oublier la drogue, l’alcool et autres formes d’addiction, pas mal de rap et de rock, mais aussi le temps qui passe, les regrets, les souvenirs de jeunesse…
On imagine sans doute combien Virginie Despentes a pu s’s’inspirer pour ce récit, comme dans les précédents d’ailleurs (Baise-moi, Apocalypse bébé…), pour une bonne part de son vécu, de expérience personnelle, qu’elle semble avoir répartis à peu près équitablement entre ses trois personnages.
Si on doit évoquer la forme du roman, on peut dire que la forme épistolaire semble un peu artificielle ici, l’autrice de Vernon Subutex ne réussissant jamais véritablement à apporter à son récit la singularité, le petit plus qui justifie ce choix formel. On a l’impression que c’est plutôt ici à prétexte pour des échanges dont le contenu ressemble par moment à des chroniques ou des tribunes comme on peut en lire parfois dans de grands quotidiens nationaux.
Un roman qui englobe tout un courant de pensée de notre époque, sans aucun doute salutaire et nécessaire, mais qui dans le cas présent donne une impression de redite, de redondance, de lourdeur, avec pas mal de lieux communs au regard d’autres livres parus au cours des années sur des sujets similaires. La déception vient aussi des personnages, assez peu consistants, manquant d’épaisseur, pour lesquelles on ne ressent pas grand-chose et qui nous donne l’impression de se lamenter, de ressasser tout au long du livre toujours les mêmes obsessions ou tourments. Des personnages dont on se sent finalement assez éloigné.
Reste que le style de Virginie Despentes offre encore quelques belles fulgurances, quelques punchlines bien senties, et malgré le côté assez convenu du propos, Despentes reste Despentes avec sa verve, son franc-parler et ses coups de gueule que l’on découvrira à travers quelques passages mémorables.
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