Ce ne sont pas les bons livres qui manquent en cette rentrée littéraire : ceux de Falero, Kitson, Bouysse, Couto, Vasquez, Jollien-Fardel, Buzarovska, Pavicic, Lozinski, Ardone, par exemple (liste non exhaustive). Mais non, il fallait décider qu'une tête dépasserait de la mêlée et ce fut Despentes, l'élue, comme Houellebecq en d'autres saisons. Tapage médiatique éhonté, ventes stratosphériques à la clé et l'envie de ne pas lire pour ces raisons précises. Mais la curiosité est la plus forte, après deux mois quand même, une fois que tout a été dit et écrit sur cet "événement" littéraire. Qui fait l'effet d'un pétard mouillé, faux roman épistolaire qui se réduit à deux monologues écrits dans strictement le même style, avec des échanges très limités entre les deux protagonistes (avec une troisième de façon épisodique). Ne pas y chercher des éléments de fiction, Cher connard est une longue et épuisante réflexion sur l'air du temps, où tout et son contraire se transforment en assertions, voire imprécations, avec les sujets les plus prégnants de l'époque, tout du moins du point de vue intellectuel car il n'y est pas trop question de conditions de vie ou d'inflation. Divisions du féminisme, nocivité des réseaux sociaux, pièges de la célébrité, vieillissement des rébellions : c'est un pot-pourri, un peu pourri, digne de débats sur BFM quand les orateurs ne s'écoutent pas. Une musique répétitive qui en revient systématiquement au paradis et à l'enfer que constituent les addictions. Que de pages consacrées à la dope, un véritable ministère de la défonce, dont il est concevable que le thème obsède l'autrice, mais de là à nous injecter ses pensées par intraveineuse ad nauseam ! La forme épistolaire est juste une manière artificielle d'enrober un contenu vulgo-chic et mollement subversif, un éditorial fourre-tout érigé en récit, dont il serait vain de chercher le substrat romanesque.