Plus je lis Modiano (ses dernières productions), plus je comprends son univers, plus j'entrevois le projet à grande échelle. Et plus j'ai la volonté de l'explorer. Toujours une histoire et une intrigue prétextes à divaguer sur les champs de la nostalgie. Établir une ambiance par l'agencement des mots.
Une colorimétrie propre à Modiano s'empare de nos esprits. Un noir et blanc agrémenté de quelques couleurs pastel prennent d'assaut notre imaginaire. Un sépia de toute beauté s'insinue longuement. Du gris, du marron, du beige. Rien d'éclatant, du terne apologétique. C'est une traversée en terre gaullienne, quand le costume était encore la norme, la robe un emblème et le pardessus une élégance.
Tout est inquiétude dans ce Chevreuse. Le lecteur n'est pas rassuré, un tremblement étrange digne d'un mauvais rêve nous étreint. Tout comme il existe le steampunk et le dieselpunk, Modiano invente le De Gaulle-punk. Dans une France apaisée et léthargique, souvenirs et mystères se croisent dans des romans d'un nouveau genre de science-fiction.
Tellement éloigné de notre réalité que la substantifique familiarité que l'on ressent ne peut que provenir de notre cerveau reptilien qui n'a rien oublié. Quelque part ce fut vraiment la vraie vie des gens. Enrobée dans la chaleur d'une mélancolie Modianesque où tout est lent, civilisé, obscur, désirable.
Pour conclure, gaullopunk certes mais avec également une dimension polardienne, registre investigation lovecraftienne où l'on s’attend à rencontrer à chaque page un mort-vivant, un sectateur de l'occulte ou une créature naît au fin fond du cosmos.
Modiano est fort, il a réussi à créer une épopée aux caractéristiques communes, une sorte de Modianoverse où nostalgie, mélancolie, inquiétude et mystère prédominent.
Samuel d'Halescourt