Avant le cinéaste, il y eut le critique : féroce, intransigeant, passionné et, souvent, de mauvaise foi. Entre 1954 et 1958, François Truffaut a écrit quelque 400 chroniques dans l'hebdomadaire Arts-Spectacles dont à peu près la moitié figure dans le livre que Gallimard lui consacre. C'est l'occasion de constater que le futur réalisateur du Dernier métro a la dent très dure pour quelques uns des cinéastes français des années 50, parmi les plus célèbres et populaires de l'époque : Delannoy, Autant-Lara, Clément, Clouzot, entre autres. Les attaques sont violentes et frontales suggérant que ces derniers sont au mieux de simples illustrateurs, au pire de véritables tâcherons. Truffaut reconnaîtra plus tard qu'il lui arrivait de pousser le bouchon un peu loin et regrettera notamment d'avoir taxé le grand John Ford de cinéaste de "seconde zone." Il manque également de discernement concernant Satyajit Ray, Jean Grémillon ou Akira Kurosawa, mais passons. Par ailleurs, les autres professions du cinéma ne sont pas davantage épargnés, à commencer par ses propres congénères de la critique, tandis que les institutions, tel le Festival de Cannes, se font brocarder avec une virulence qu'on a le droit de trouver un peu exagérée. De la même manière, quand Truffaut aime un cinéaste, ce n'est pas avec tiédeur. Il adore Renoir, Welles, Guitry, Rossellini, Cocteau, Ophuls, Bresson et, bien entendu, tresse des louanges continues à son cher Alfred Hitchcock. Traité de "jeune voyou" par l'une de ses têtes de turc, Claude Autant-Lara, Truffaut était effectivement un garnement qui se souciait peu de ménager la chèvre et le chou, aimait la polémique et défendait avec hargne un cinéma d'auteurs. Dès la fin 1957, en entreprenant son court-métrage, Les mistons, il n'est plus vraiment un critique mais restera un grand cinéphile. Simplement, son jugement s'affinera et il n'aura plus de ces emportements de jeunesse qui constituent la matière première de ces Chroniques d'Arts-Spectacles.

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le 6 juil. 2019

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