L'homo-cogitationis-unicae

Par les temps qui courent toujours _ les salauds on les aura!_, ma liberté, liberté chérie-passe-moi-la-crème se galvaude dans un quotidien morne de relations sempiternelles avec mes semblables, ces appartenants arrogants à une espèce pourtant si affligeante que même la classification zoologique contemporaine l'a ignorée : l'homo-cogitationis-unicae.
L'erreur est maintenant réparée, on est finalement jamais aussi bien servi que par soi-même, et ne me remerciez pas, mon jeu en vaut la peine.
L'homo-cogitanionis-unicae naît le plus souvent à Gauche, des assouvissements primitifs d'un ancien communiste dans une sans culotte, féministe sur le déclin.
Il naît parfois à Droite, d'une catholique défroquée et des réminiscences d'une Gaule regrettée par son Charles, sous la bénédiction d'un jeune curé, décalotté pour l'occasion.
Il s'émancipe ensuite dans sa prime enfance en un vaste et paisible nid que ses procréateurs ont eu le bon soin de confectionner au fond du couloir, entre les latrines et le garage parce que bon hein faut pas pousser y ferait beau voir qu'y gueule entre deux mi-temps.
Le cher enfant découvre alors les joies de la communication que lui inculquent savamment Papa, Maman. Le bon bambin se délecte ainsi des riches découvertes du nouvel éventail linguistique qui s'offre à lui : les "rototo", les "gouzi-gouzi", les "dodo", les "panpan cucul" lui offrent ses premiers fous rires sous l'oeil béat du bobo et d'sa bobonne, du Co-co et d'sa co-horte.
Plus tard, certains apprennent qu'ils sont athées, que les croyants sont des pécores intolérantes, que bon c'est quand même à cause d'eux qu'il y a eu tant de morts, que les guerres de religion, c'est pas rien quand même, que c'est grâce à la gauche que le pays est athée et tan pis si y en a que ça gêne et que quand même au XXIème siècle comment on peut croire à ses conneries ? que, tiens chérie passe moi le sel ! raaa nom de dieu t'as encore mis le pain à l'envers, tu sais bien que je supporte pas ça etc, etc.
D'autre apprennent qu'ils sont chrétiens catholiques, que Jésus est mort sur la croix pour nous sauver de nos pêchés, que le pêcher c'est faire des mauvaises actions, que pêcher c'est mal, et qu'on attend son retour parce que bon ba y en a qui pêche encore, ça c'est sûr, y a qu'à voir à la télé, qu' y a plusieurs religions mais qu'en France on est chrétien, que c'est quoi toutes ces questions ? décidément on vous apprend rien à l'école !
Mais je vous vois venir_et en traître, par derrière en plus! _ Ô lecteur critique et éclairé ! " Quelle contradiction chez ce jeune auteur!" pensez-vous _et je vous en félicite, c'est pas tous les jours_ "Cette appellation d'homo-cogitationis-unicae ne correspond pas au double portrait apparaissant dans ces lignes. N'eût-il pas fallu" vous insurgez-vous (avec la maîtrise coutumière du plus-que-parfait du subjonctif qui est la vôtre) "N'eût-il pas fallu donc nommer ce nouvel être finalement divisé en deux catégories : l'homo-cogitationis-divisae ?"
Question pertinente de votre part, mon complice! mon frère! mon roudoudou! Mais détrompez-vous, ces oppositions ne sont qu'apparentes. Plus tard en grandissant, chaque bambin partagera le même orgueil, la même arrogance, la même distinction vis-à-vis de l'autre.
Ils arboreront à tout moment le même sourire amicus, amica, amicum déclinant une identité neutre.
Ils porteront la même veste en cuir de porc achetée en solde pour l'un, plein pot pour l'autre chez le même receleur de facéties pauvres et de possessions fades.
Ils brandiront la même carte d'électeur bien qu'ils ne manifesteront pas le même jour.
Ils défendront des têtes vues dans la même télévision qu'ils fustigeront le lendemain de la même verge étriquée et du même verbe insipide.
Qu'ils se rencontrent! et ils auront le même indécence, la même goujaterie. L'inquisiteur républicain n'aura d'égal que son nemesis apostat de l'Humain.
Que Nietzsche me tripote! son surhomme est aussi con que le Dieu qu'il a tué.
Mais lecteur, mon ami, mon frère, mon "oh dis donc il a bonne mine mais faudrait qu'il arrête la brioche"... je vous entends d'ici penser _décidément, quelle journée bien remplie_ : "Quelle cynisme! quelle sarcasme ! rendez-nous Desproges ! en ce temps là on savait écrire !"
Non.
En ce temps-là IL savait écrire...