Alexandre Vialatte est irréfutable
Difficile de rendre hommage avec justesse à ce génie méconnu. Pierre Desproges le cite comme une de ses principales inspirations, une influence qui saute aux yeux quand on se plonge (avec délice, ajouterais-je sans craindre le lieu commun) dans leurs littératures respectives.
Car Vialatte, premier traducteur français d'un obscur auteur tchèque, Franz Kafka, est le chainon manquant entre Alphonse Allais et le très cher chroniqueur de la haine ordinaire évoqué plus haut : orfèvre de la langue française (bien des romanciers modernes en perdraient leur défaillante grammaire), inventeur précoce de la "chronique" désormais omniprésente dans nos radios et nos journaux, clown triste capable des digressions les plus absurdes et des maximes les plus définitives, mais laissant transparaitre le profond désespoir qui hante les gens les plus drôles et les plus élégants.
C'est un exercice que je réprouve un peu, mais rien ne parlera mieux que quelques citations :
"La distinction demande des dons. Si on en manque, chercher à l'obtenir en cultivant habituellement des soucis élevés, tels que sauver la France, avoir les oreilles propres, employer le subjonctif."
"Le bonheur date de la plus haute Antiquité. Il est quand même tout neuf car il a peu servi."
"Nous vivons une époque où l'on se figure qu'on pense dès qu'on emploie un mot nouveau."
"Sauf erreur, je ne me trompe jamais"
(putain j'adore ce mec)
Si ces citations vous parlent, lisez-le. Si ces citations ne vous parlent pas, c'est que je les ai mal choisies, lisez-le. Je vous en conjure, je vous exhorte, je vous supplie, je vous fais des trucs ici, et là, avec ceci, conformément à la figure B, mais sérieux, cet homme mérite mieux que le paisible anonymat dans lequel à n'en pas douter il apprécie avec sérénité la compagnie des honnêtes gens.
Et c'est ainsi qu'Allah est grand.