Retour de lecture sur “Les chroniques de San Francisco” de l'écrivain américain Armistead Maupin publié en 1978. Ce livre est le premier tome d’une série qui comprend au total 9 romans. L’auteur a commencé à publier ses chroniques dans les pages du San Francisco Chronicle, et c’est deux ans après le début de la diffusion dans ce quotidien que les chroniques ont été compilées dans deux premiers volumes. La série de romans qui a pour titre original "The Tales of The City" est désormais un classique de la littérature LGBT et un phénomène mondialement connu. Alors qu’en 1976 il était encore choquant de mentionner ouvertement l’homosexualité, même dans une ville libérale comme San Francisco, le livre aborde différents autres thèmes comme la drogue, le suicide, l’amitié, la sexualité d’une manière générale et parle de problèmes de couple avec dans certains cas des hommes qui trompent leurs femmes avec d’autres hommes. Le livre raconte l'histoire de Mary Ann, 25 ans, qui débarque dans cette ville pour fuir l'ennui de sa ville natale de Cleveland. Pleine de naïveté, elle espère y vivre une vie palpitante. Elle s’installe ainsi chez Anna Madrigal, qui gère une pension, cultive de la marijuana et considère ses pensionnaires un peu comme ses enfants. Le livre raconte donc la découverte de cette ville par Mary Ann et ses rencontres avec des personnages tous hauts en couleurs et aux identités aussi variées que complexes. Elle côtoiera ainsi, entre autres, Mona, une jeune femme bisexuelle au chomage, cynique et dynamique, Michael Tolliver un jeune homme ouvertement gay à la recherche du grand amour et Brian Hawkins dont elle repoussera les avances et qui est le séducteur de l’immeuble. Son environnement professionnel, dans une agence de publicité, prend également une place importante avec Beauchamp Day, marié par intérêt à Deedee, la fille du patron Edgar Halcyon. Même si on peut être un peu perdu avec tous les personnages, c’est un roman divertissant, particulièrement agréable à lire, basé essentiellement sur des dialogues et donc très fluide. C’est le témoignage d’une époque, une plongée très dépaysante et colorée dans le Frisco des années 70 avec une ambiance très chaleureuse et sympathique. Les personnages sont tous très attachants et drôles, tout particulièrement Anna Madrigal avec ses zones d’ombre et Mona. L’auteur réussit particulièrement bien à nous faire partager leurs joies, leurs peines et leurs problèmes. Le seul bémol, et il est d’importance, réside dans le fait que ce premier tome nous laisse beaucoup sur notre faim, il plante le décors et nous permet de suivre le quotidien de ces personnes, mais l’histoire de ce groupe ne fait que débuter, et beaucoup de choses restent mystérieuses et n’ont pas de réponse. Il semblerait que celles-ci soient expliquées dans le tome suivant, notamment concernant la personnalité de Anna Madrigal, son passé qui est assez mystérieux et sa relation avec sa pensionnaire Mona. Ce deuxième tome constitue donc un complément quasi indispensable au premier, cela n’apparaît pas du tout en quatrième de couverture, ce qui est bien dommage. Mais si on est prévenu et que l’on aborde ce livre seulement comme une première étape à compléter, cela reste une lecture très intéressante et agréable, une très belle immersion dans cette ville mythique au cours des années 70 à travers la vie des personnages vivant dans cet immeuble. Son adresse, au 28 barbary lane, est même devenue, au cours du temps, l’un des lieux fictifs les plus connus de la littérature. Le tome 2 qui doit donc impérativement compléter cette lecture s’intitule “Les nouvelles chroniques de San Francisco”.
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"Mme Madrigal laissa lentement fleurir un sourire sur son visage anguleux:
- Tu serais tellement plus heureuse si tu pouvais te voir comme moi je te vois.
- Mais personne n'est heureux. Et puis qu'est ce qu'être heureux? Puisque le bonheur s'arrête dès que l'on rallume la lumière."