Pitch : Et si vers 1400, quand la peste décima l'Europe, ce n'était pas 1/4 de la population européenne qui succombait à la maladie, mais 99% de celle-ci ? Que ce serait-il passé ? La Chine et le monde musulman aurait pris la main sur le monde.
Le livre part de ce postulat. Et autant le dire tout de suite, c'est un pitch qui fait envie.
On passe donc par toutes les conquêtes de l'homme, de l'immense Chine et de ses colonisations, aux découvertes arabo-musulmanes, de la découverte de notre Amérique par la Chine à la résistance de son peuple originel, à la percée de l'Inde en passant par "La Longue Guerre" entre musulmans et chinois qui va abîmer le monde pendant 70 ans.
Construit sur 10 - longs - chapitres, 'Chroniques des années noires' (on jettera un voile pudique la traduction à mon sens raciste du titre originel "The years of rice and salt") est au final une déception. Une grande même.
Pourtant, dans le genre uchronie, le livre se pose là et comme je le disais, le pitch est génial. Mais le livre connait plusieurs écueils. Le premier est qu'il s'embourbe régulièrement dans une étude des religions musulmane et bouddhiste détaillée et ennuyeuse.
Le second est qu'il n'arrive pas à donner un sens géographique à tout ce qu'il raconte. A moins d'être un féru de géographie ancienne, il est difficile de situer véritablement l'action. Il décrit les lieux, est même très - trop - précis, mais cela n'a ni queue ni-tête, tant aucune carte n'aide à s'y retrouver. Donc on lit sans jamais arriver à s'immerger dans l'action.
Troisièmement, c'est le style qui ne convient pas. Le livre fait donc 10 chapitres qui ont tous un style différent à chaque fois. Selon ce que j'ai pu trouver comme explications, c'est un choix de l'auteur d'écrire « à la manière de » tel auteur passée ayant réellement existé. Pourquoi pas, sauf que cela rend l'ensemble très peu cohérent.
Enfin, le livre se trouve confronté à un gros problème : faire vivre ses personnages sur 600 ans. Et l'auteur trouve une parade en parlant du bardo, ce paradis bouddhiste où les personnages qui décèdent se retrouvent face aux Dieux qui décident alors, selon leurs actions dans leurs vies passées, de les renvoyer sur Terre soit sous forme d'être humain, soit sous forme de plante ou d'animal. C'est habile dans l'esprit, mais c'est extrêmement confus, avec toujours ces apartés philosophiques et métaphysiques.
Ceci dit, il y a des passages passionnants, notamment quand Robinson ne s'intéresse qu'aux faits et ne parlent que d'eux (la découverte de l'Amérique, la Longue Guerre, en tout cas dans sa première partie, et plus globalement la fin du récit), mais quand bien même il arrive à perdre son lecteur à force de digressions.
En fait, le problème principal de ce roman est qu'il n'en est pas vraiment un. Robinson préfère donner un point de vue sur notre histoire (en parlant d'une autre), mais sans jamais ne raconter d'histoires.
Et c'est dommage parce que son idée de départ est passionnante. Le résultat est tout l'inverse : un long chemin de croix où l'auteur essaie de mettre toutes les idées qu'il a en tête, pour au final n'en faire ressortir aucune. Frustrant.