Uchronie, le mot "qui-fait-bien" pour décrire une fiction qui se base sur un fait historique altéré, "Chroniques des années noires" en est une. Le principe est simple, si l'Europe occidentale s'était éteinte lors d'une épidémie de peste du moyen-âge, que serait devenu le monde ?
Ce roman est constitué de plusieurs "livres", une douzaine, présentant des personnages, une époque et une intrigue différente à chaque fois. Le lien entre toutes ces histoires se fait par la réincarnation. Les deux personnages principaux se réincarnent tout au long des siècles et les livres nous content se qu'il se passe lorsqu'ils se rencontrent.
De part l'uchronie et le parti pris d'écriture, le terreau est donc propice aux récits les plus variés. On passe donc d'un guerrier Mongol à un scientifique Arabe, d'un indien d'Amérique à un militaire Chinois, tout en suivant ce qui arrrive aux civilisations qui dominent le monde, Chinois et Arabes (avec les Européens c'est tout le christianisme qui s'en est allé ...). Le propos de Kim Stanley Robinson est plutôt transparent, il soutient que malgré des arrangements différents, les hommes restent des hommes, les puissants exploitent les miséreux et les guerres font rage (bien qu'il fasse émerger quelques utopies).
Je ferai tout de même plusieurs reproches à ce roman, loin d'être parfait.
Malgré la longueur du livre (750 pages) les parties sont finalement assez courtes et ont la mauvaise habitude de finir de façon abrupte. On passe trop de temps à comprendre l'environnement, et lorsque c'est acquis, les personnages se retrouvent brusquement dans le bardo (lieu de la réincarnation).
Les inventions et découvertes scientifiques sont les mêmes que les réelles. Robinson leur donne un nom exotique car c'est un scientifique Indien ou Perse qui fait la découverte mais on se retrouve avec l'électricité, le voyage en dirigeable à hélium, la recherche atomique. J'aurais aimé penser que si les choses ne s'étaient pas imbriquées de cette façon dans la réalité on aurait découvert d'autres horizons ...
Le vrai problème qui m'a gâché en partie la lecture c'est que les poncifs concernant les peuples sont rigoureusement ceux de notre monde. Les Chinois sont brutaux et expansionnistes, les Arabes belliqueux et bordéliques, les Indiens gentils et travailleurs, les Tibétains spirituels etc. L'auteur induit implicitement que ce ne sont pas les expériences et l'histoire qui forgent les peuples mais leurs origines (?). Peut-être n'était-ce pas intentionnel mais ça m'a laissé un goût amer en bouche.
Pour conclure j'ai pris tout de même du plaisir à la lecture de ce pavé, mais plus par les questions qui se sont posées à moi que par le livre lui-même. 6/10