Caprice meurtrier
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Cet exercice faussement documentaire peut sembler vain, ou bien frustrant puisque ces faux articles d'une revue imaginaire parlent de films qu'on ne verra jamais, si ce n'est dans notre esprit, en les imaginant. Mais le projet est mené avec suffisamment de talent, et visiblement une très bonne connaissance du sujet, pour qu'on se laisse prendre. Autre atout de ce livre : ces films ne sont pas totalement invisibles, puisque François Souvay, également dessinateur dans le style « ligne claire », a réalisé des affiches de ces œuvres pour illustrer ses nouvelles.
Il est question de films, donc, dans des genres variés, mais aussi et surtout de leur élaboration, de la vie des personnes qui les ont écrits, réalisés ou interprétés, et le livre emprunte parfois à des genres autobiographiques, comme le journal intime ou la correspondance. Le thème de la vie et de l'art est au cœur de l'ouvrage : si la vie peut influencer la création artistique, cette dernière peut aboutir à des chefs-d’œuvre, mais la vie, elle, reste soumise aux aléas. L'art imite la vie, mais avec davantage de maîtrise. Sous l'aspect ludique de ces brèves histoires, qui se répondent parfois avec certains personnages récurrents et adoptent un ton assez léger, une certaine gravité parcourt le livre : la trahison et le dépit amoureux sont des thèmes récurrents. Ainsi, le réalisateur Jay Monroe tente (vainement) de se racheter en embauchant le scénariste qu'il a jadis dénoncé comme communiste, pendant la Chasse aux sorcières ; nombre d'hommes, dans ces textes, passent à côté de l'amour, par indécision, manque de lucidité ou tout simplement timidité, comme l'assistant du réalisateur japonais Ginjiro Fukima. La brièveté des textes amène un réel dynamisme et montre un auteur qui ne se contente pas de creuser un même sillon tout au long du livre, même si celui-ci apparaît plutôt homogène.
« Garder la foi » clôt le recueil sur une note différente, très positive, et ouvre une perspective avec sa fin ouverte : dans cette nouvelle où l'on est tenté de trouver des relents autobiographiques, le critique amateur Serge Franval part en Italie à la recherche de l'actrice Giulia Gibson, qui joua entre autres dans « La Blonde sans visage » avant de disparaître, totalement cette fois, des écrans. Sa quête accomplie, Franval a mûri et semble désormais en mesure d'être moins spectateur et davantage acteur de sa propre existence.
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Créée
le 1 janv. 2023
Critique lue 33 fois
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