Les premiers seront les derniers
C'est tout à fait par hasard que je me retrouve avec "Cinq semaines en ballon", le premier roman de Jules Verne, pour terminer cette collection des voyages extraordinaires que j'ai acquise récemment pour une bouchée de pain. Peut-être aurait-il été plus intéressant de suivre son parcours au gré des évolutions et régressions chronologiques, mais ce n'est pas très grave non plus, puisque j'estime qu'une oeuvre doit plaire en tant que telle et non pas seulement en prenant l'ensemble de la carrière de l'artiste. Evidemment il y a des exceptions, des artistes multidisciplinaires qui n'hésitent pas à délivrer des oeuvres sur un medium différent, le tout se complétant pour ne former qu'une oeuvre d'art. Ici ce n'est qu'un bouquin parmis d'autres, donc je considère que ça se tient seul.
Le livre n'est pas le pire. J'avais une légère appréhension, n'étant pas fan de son oeuvre, face à ce premier volet ; je m'attendais à y trouver beaucoup de maladresses alors que finalement, ce bouquin comporte les mêmes ingrédients que Jules réutilisera toute sa vie. Ce qui fait tenir le récit, c'est d'avoir un objectif clairement énoncé ; on sait où on va, ce qui n'est pas toujours le cas chez Julot. Ensuite, il y a pas mal de péripéties intéressantes, l'auteur parvient à exploiter avec justesse les situations sur le terrain. En revanche, c'est un peu trop linéaire, et surtout, comme d'habitude, ses personnages sont trop fades. Si bien que les conflits sont toujours d'ordre extérieur ; les personnages ne se disputent jamais, ils sont toujours d'accords, unis. C'est dommage car ça aurait pu ajouter une dimension très intéressante à cette histoire. Et puis surtout, le manque de profondeur de ses personnages donnent peu de doutes quant à l'issue. Un récit d'aventure, le lecteur sait pertinemment que neuf fois sur dix le héros touchera à son but, c'est en tous cas ce qu'il se dit en commençant l'histoire ; le rôle du raconteur est donc de tout faire pour amener le doute à son lecteur, de lui faire croire en cours de route que finalement ce n'est pas si sûr. Jules n'y parvient jamais. On sait qu'un deus ex machina scientifique viendra toujours sauver ses personnages. C'est dommage.
Côté descriptions scientifiques ou historiques, il y en a beaucoup. Il aurait pu y en avoir moins, c'est certain, mais on sait que le bougre aurait pu en mettre beaucoup plus, on peut donc s'estimer heureux d'une telle modération. Sinon, comme d'habitude, on sent que le chercheur s'est parfaitement documenté sur son sujet, qu'il a lu maints ouvrages dessus et que ce qu'il a pu inventer a fait l'objet d'une longue étude pour s'assurer que ce soit crédible pour ses lecteurs les plus savants.
Bref, "Cinq semaines en ballon" est un roman sympathique qui bénéficie de bonnes scènes mais manque de personnages creusés. Ça se lit donc sans trop de problème.