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bonjour vous êtes aux états unis d’amérikkke. situation chaotique mêlée aux tensions raciales lors d’une session au congrès. plus d’informations à onze heures un cambriolage à main armé en participant à une marche organisée par un groupe extrémiste qui n’aime pas la politique menée dit le bureau des relations publiques du président a voté une loi sur la fiscalité va augmenter. si vous ne payez pas les salaires ont encore baissé à cause de la guerre dans des pays étrangers et nous devons empêcher ces actes de haine pour ce bulletin d’information spécial qui vous emmène direct sur la scène du crime. La police signale l’inculpé de viol, meurtre, vagabondage et marche en dehors des clous. … »
Bon, d’accord, j’ai mordu. Ou alors la curiosité a tué le chat. Je ne pouvais pas ne pas zieuter ce roman dont tout le monde parle, parce que le plus cher, parce que droits déjà vendus au ciné, parce que chef d’œuvre, parce que New York et années ’70. Bref.
Garth Risk Halleberg est indéniablement un type qui a du talent. Plus qu’un « chef d’œuvre » (je suis allergique à cette expression employée à toutes les sauces), j’appellerais son roman un tour de force. Il fait rentrer dans une durée de temps limitée (moins d’un an) et sur un terrain de jeu circonscris géographiquement (New-York), une myriade de personnages, pour beaucoup antagonistes, reliés entre eux par les multiples sous-intrigues que le narrateur tisse le long de ce roman fleuve.
Depuis le Long Island jusqu’à l’ Upper East Side en passant par le Village et sa faune pré-géntrification, City on Fire pourrait presque faire office d’essai d’anthropologie « Chez les New-Yorkais des 70s ».
Les sept chapitres sont séparés par des « interludes » – une lettre manuscrite, un article tapuscrit, les extraits d’un fanzine – une main tendue vers le lecteur pour que celui-ci puisse être complètement immergé dans la vie des personnages. Malheureusement cela n’a pas toujours fonctionné pour moi.
Autant j’ai aimé Samantha et ses contradictions, sa sensibilité et son intelligence, et j’ai été donc heureuse de retrouver son fanzine au milieu du roman, autant je me suis lassée vite durant d’autres « irruptions de réel » dans le fil narratif.
City on fire m’a donné l’impression d’un monstre insatiable qui se fiche de ce qu’il avale tant qu’il a de quoi se mettre sous la dent. La scène punk, les révolutionnaires, les graffeurs, les squatteurs. Les artisans, les flics, les journalistes, les artistes. Les hommes d’affaires, les parvenus, les ambitieux. Les homosexuels, les femmes délaissées, les familles éclatées. Des intérêts financiers, amoureux, illégaux, altruistes. La came, la solitude, les dépendances, la musiques, la peinture, la photo.
Le passé, le présent, l’avenir.
Tantôt original et somptueux, tantôt drapé dans des airs de soap-opera, le résultat a été pour moi plutôt mitigé. Je l’ai trouvé assez inégal et pas toujours cohérent. Il ferait, certes, une super série TV. Mais le potentiel d’adaptation par Netflix, ce n’est pas ce qui m’intéresse dans un roman. Un peu déçue, donc, il y avait matière à faire beaucoup mieux, en laissant peut-être l’ambition en veilleuse.
« Q : Votre œuvre semble vouloir rompre qualitativement avec les tendances minimalistes actuellement en vogue chez les jeunes écrivains. Certains pourraient même la qualifier de désuète.
R: Eh bien, nous avons vécu, les hommes de ma génération, dans une époque d’incertitude. L’ensemble des institutions auxquelles nous avons cru, depuis l’Église jusqu’aux marchés et au système politique américain, semblait traverser une crise. Et donc nous avons considéré avec un scepticisme profond la capacité de toute institution , y compris celle du roman, à nous montrer la vérité.
Q: Mais vous semblez presque en accord avec l’opposition, monsieur Goodman.
R: Disons que je considère que c’est ma mission. Etre en empathie. Mais j’ai toujours pensé, peut-être de façon perverse , que lorsqu’on veut faire correspondre théorie et expérience, et que cela ne fonctionne pas, il faut s’en prendre plutôt à la théorie. Il y a la critique de ce qui sous-tend ces institutions – justice, démocratie, amour – et il y a le fait que nul ne peut vivre sans elles. Et je cherche donc à explorer une nouvelle fois cette vieille idée que le roman peut, vous savez, nous enseigner quelque chose. Sur tout.
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