Claude Gueux est un voleur envoyé en prison. Victor Hugo prend le parti de le défendre et écrit pour cela un véritable réquisitoire contre la justice française ainsi que la peine de mort.
Si on a une critique plutôt intéressante sur le rôle qu’à la société dans la détermination des comportements des plus pauvres, le livre se termine néanmoins sur une note plutôt étrange et discutable.
Une société responsable
Dans un premier temps, l’auteur critique en effet les conséquences des relations entre prisonniers et fonctionnaires de l’Etat. Que peut-on espérer obtenir des prisonniers si les seules fenêtres qu’ils ont du monde extérieur sont des personnes froides, désintéressées et complètement déconnectées de leurs réalité ?
D’abord le plus cruel, le directeur des ateliers :
[…] un homme médiocre et obstiné qui avait foi en lui et qui s’admirait. […] Voilà donc ce que c’était que le directeur de ateliers de la prison centrale de Clairvaux. Voilà de quoi était fait le briquet avec lequel la société frappait chaque jour sur les prisonniers pour en tirer des étincelles. »
Puis le plus malheureux, les jurés lors du procès : aveugles, insensibles aux propos de la défense, ne remettant pas en cause la législation établie par leur refus de répondre aux questions des plus fondamentales.
Pourquoi cet homme a-t-il volé ? Pourquoi cet homme a-t-il tué ? Voilà deux questions auxquelles ils ne répondent pas.
Dans un second temps, une critique est faite sur le système législatif au sens large: outre les jurés, ce sont les lois elles-même qui sont trop catégoriques, pas assez fines, pas assez humaines. Claude dénonce le fait qu’il serait gracié si son second crime était de la légitime défense contre une attaque physique. Mais comme la loi ne prend pas en compte les attaques morales, cela fait donc de lui un condamné, et son discours un « mouvement sublime qui faisait tout à coup surgir […] tout une théorie de la provocation morale oubliée par la loi. »
Enfin, on dénonce le système exécutif et le peuple qui en est témoin. La peine de mort, trop sévère, trop banalisée, est presque travestie en spectacle. Elle est fédératrice autour d’une joie malsaine et voyeuriste.
On avait choisi ce jour-là pour l’exécution, parce-que c’était jour de marché, afin qu’il y eût le plus de regards possible sur son passage, car il paraît qu’il y a encore en France des bourgades à demi sauvages où, quand la société tue un homme, elle s’en vante.
Des solutions adaptées ?
Face à toute ces dénonciations, l’auteur nous invite finalement à mettre le doigt sur deux éléments clés : d’une part la pauvreté, d’autre part l’éducation.
En effet, la pauvreté serait malheureusement omniprésente, et c’est bien elle qui pousse a agir.
Quoi que vous fassiez, le sort de la grande foule, de la multitude, de la majorité, sera toujours relativement pauvre, et malheureux, et triste. A elle le dur travail, les fardeaux à pousser, les fardeaux à traîner, les fardeaux à porter.
Le peuple a faim, le peuple a froid. La misère le pousse au crime ou au vice.
La solution qu’il propose est donc d’inviter la société à éduquer le peuple, entre autre avec plus de lecture. Mais attention, pas n’importe quelle lecture : la Bible.
Pourquoi ? Car elle instaurerait éventuellement des valeurs de respect, de fraternité, et permettrait ainsi de limiter le crime ?
Non, Hugo nous explique cela :
Examinez cette balance : toutes les jouissances dans le plateau du riche, toute les misères dans le plateau du pauvre. [...] Et maintenant, dans le lot du pauvre, dans le plateau des misères, jetez la certitude d’un avenir céleste, jetez l’aspiration au bonheur éternel, jetez le paradis, contrepoids magnifique ! Vous rétablissez l’équilibre. La part du pauvre est aussi riche que la part du riche. C’est ce que savait Jésus, qui en savait plus long que Voltaire.
(ah bon ?)
Donnez au peuple qui travaille et qui souffre, donner au peuple, pour qui ce monde-ci est mauvais, la croyance à un meilleur monde fait pour lui. Il sera tranquille, il sera patient. La patience est faite d’espérance.
On repousse donc les problèmes, on remet tout à Dieu, (j’aurai espéré une approche -sinon des Lumières- au moins un peu plus Humaniste de sa part…) Lui qui reproche aux jurés de traiter la pauvreté de manière superficielle (« Les lois que vous faites […] ne sont que des palliatifs ») il fait pourtant de même. Hugo ne propose pas de combattre la pauvreté en la réduisant par des idées sociales ou politiques, mais de seulement en canaliser les effets, à savoir : le mauvais comportement des gens qui ont toujours froid et faim par l’espérance d’une vie meilleure.
Si encore il y avait l’idée selon laquelle, grâce à la Bible, le peuple serait plus vertueux et donc aurait pourrait espérer s’élever matériellement en s'intégrant mieux à la société… mais non…. Le peuple est plus vertueux, plus élevé spirituellement, mais toujours pauvre.
L’éducation proposée là n’est pas de penser et repenser la société par l’Homme et pour l’Homme, mais connaître la Bible, et attendre un paradis, monde moins mauvais pour le peuple.
Et ça finit comme ça.
En bref, un court récit traitant de l’amitié et des aberrations du monde carcéral et judiciaire. Le propos est simple, mais avec certains passages franchement bien écrits et terriblement efficaces. Il y a de bonnes idées.
Cependant, il sera nécessaire de le comparer avec d’autres œuvres afin de pousser encore plus loin la réflexion, notamment politique.